La French Tech redoutait d’être touchée par une “balle perdue”. Elle a finalement été directement ciblée par le nouveau gouvernement. Dans le projet de budget, présenté jeudi, deux dispositifs pour les start-up sont en effet supprimés. Un véritable coup de massue pour tous ceux qui se croyaient à l’abri. Et le symbole de la fin d’une ère, celle d’une “start-up nation” chouchoutée par un gouvernement qui ne cessait d’utiliser ses réussites, tel le cap de 25 licornes, comme un argument électoral. Qu’importent les justifications de Clara Chappaz, la nouvelle secrétaire d’Etat à l’intelligence artificielle et au numérique, lancée vendredi dans le service après-vente. Qu’importe sa promesse de laisser la porte ouverte à des ajustements pendant les débats parlementaires. Le soutien inconditionnel à la French Tech s’est fracassé sur les arbitrages budgétaires.
Charges patronales – Concrètement, le gouvernement ne souhaite pas prolonger le crédit d’impôt innovation, qui permet aux entreprises de moins de 250 personnes de déduire de leurs impôts 30% des dépenses de “conception de prototypes ou d’installations pilotes de produits nouveaux”. Selon l’association France Digitale, ce dispositif est utilisé par 45% des start-up. Surtout, le projet de budget prévoit une suppression de l’exonération des charges patronales pour les “jeunes entreprises innovantes”, un statut accordé aux sociétés de moins de 250 salariés qui investissent plus de 15% de leurs dépenses dans la recherche et développement. La moitié des start-up en bénéfice. “À deux mois du bouclage de leur budget 2025, on leur enlève 400.000 euros”, déplore Marianne Tordeux Bitker, la responsable des affaires publiques de France Digitale.
Les grands groupes épargnés – Ces choix budgétaires interpellent la French Tech. Ils “pourraient marquer un tournant pour notre écosystème d’innovation”, craint Philippe Corrot, le patron de Mirakl, notamment en envoyant un mauvais signal aux investisseurs internationaux. France Digitale redoute leur impact sur les créations d’emploi et la trésorerie des entreprises, dans un contexte déjà difficile pour les levées de fonds. Un autre acteur du secteur regrette, lui, la volonté “délibérée” de viser les start-up quand d’autres mesures auraient pu permettre de réaliser des économies similaires (300 millions d’euros pour le statut JEI). En particulier, des ajustements du crédit d’impôt recherche qui bénéficie surtout aux grandes entreprises, profitant d’un effet d’aubaine. Et qui coûte plus de sept milliards par an à l’Etat.
Plus la priorité ? – Entre incompréhension et colère, la French Tech organise déjà la riposte. Plusieurs personnalités travaillent ainsi avec le député macroniste Paul Midy, qui promet de proposer des amendements. Mais avec quelle réussite ? Ces efforts pourraient se heurter à la réalité: l’image des start-up reste fortement associée à celle d’Emmanuel Macron. Leurs préoccupations ne fait pas partie des priorités de la nouvelle Assemblée nationale. Voire du gouvernement, au sein duquel le secrétariat d’Etat au numérique figure en dernière position de l’ordre protocolaire. Dans une interview au Figaro, Clara Chappaz semble d’ailleurs entériner d’ores et déjà le début d’une nouvelle ère pour la French Tech, dopée aux aides et investissements publics: elle “ne peut pas être financée qu’à travers le soutien de l’État”.
Pour aller plus loin:
– Les incertitudes politiques fragilisent encore un peu plus la French Tech
– Après la chute des levées de fonds, la French Tech veut croire à un rebond