C’est une première pour Meta. Sous la pression des régulateurs, la maison mère de Facebook et d’Instagram va proposer une version contenant des publicités “moins personnalisées” en Europe. Avec un compromis de taille: des annonces affichées en plein écran pendant quelques secondes sans pouvoir les fermer. Cette option s’ajoutera aux deux choix existants: la version gratuite avec des publicités ciblées et la version payante sans annonce. Face aux critiques, la société américaine va par ailleurs baisser le prix de ses abonnements, qui commenceront à partir de six euros par mois au lieu de dix. Elle espère ainsi, enfin, respecter le Règlement général sur la protection des données (RGPD). “Moins personnalisé signifie moins illégal, mais cela ne veut pas dire que c’est légal”, rétorque l’activiste autrichien Max Schrems.
Parades – Entré en vigueur en 2016, le RGPD impose de recueillir le consentement des internautes avant d’utiliser leurs données à des fins publicitaires. Meta a toujours refusé de le mettre en place, redoutant un rejet d’une grande partie des utilisateurs, ce qui limiterait sa capacité de monétisation. À la place, elle a d’abord ajouté cette disposition dans ses conditions d’utilisation, forçant ses membres à donner leur autorisation, généralement sans le savoir. Mais cette pratique a été retoquée par les Cnil européennes. Elle a ensuite tenté d’invoquer le principe “d’intérêt légitime”, prévu dans le RGPD. Sans succès. L’an passé, elle a finalement mis en place le principe de “pay or consent”, consistant à proposer un abonnement payant comme seule alternative à ceux qui s’opposent à l’utilisation de leurs données personnelles.
“Tarif raisonnable” – Pour justifier son abonnement, Meta s’appuie sur un jugement de la Cour de justice de l’Union européenne, qui ouvrait la voie à une option payante comme forme de consentement, à condition cependant que celle-ci soit proposée à un “tarif raisonnable”. En baissant son prix, le réseau social espère s’en approcher. Il assure qu’il ne peut pas aller plus bas que six euros, car cela représente l’équivalent du revenu publicitaire moyen par mois et par utilisateur sur Facebook. En avril, le Comité européen de la protection des données a cependant émis un avis défavorable sur le principe, sans tenir compte du prix. L’organisme avait en effet estimé que “le droit fondamental à la protection des données” ne peut pas être transformé en option payante. En juillet, Bruxelles a annoncé l’ouverture d’une enquête.
Conforme au RGPD ? – C’est dans ce contexte que Meta propose des publicités moins personnalisées. La société explique que ces annonces seront contextuelles, c’est-à-dire basées sur l’activité des utilisateurs sur Facebook ou Instagram au cours des deux heures précédentes. L’âge, le sexe et la localisation continueront à être utilisées, sans refus possible. Il n’est donc pas certain que ce compromis satisfasse réellement les régulateurs européens. Notamment parce que le RGPD ne fait pas la distinction entre les données personnelles. Autrement dit, Meta pourrait avoir besoin du consentement pour utiliser l’âge, le sexe ou la localisation comme critère de ciblage publicitaire. Max Schrems dénonce, lui, un tour de passe passe, visant à créer une alternative “misérable” pour pousser les internautes à accepter les publicités personnalisées.
Pour aller plus loin:
– Pour entraîner son intelligence artificielle, Meta défie à nouveau le RGPD
– Facebook condamné à une amende record de 1,2 milliard d’euros