Par , publié le 13 mars 2025

Peut-il être le sauveur providentiel d’Intel ? Mercredi, le fabricant américain de semi-conducteurs a officialisé l’arrivée de Lip-Bu Tan au poste de directeur général. Figure respectée du secteur, et ancien membre du conseil d’administration, celui-ci faisait partie des grands favoris pour prendre la succession de Pat Gelsinger, poussé à la retraite anticipée fin 2024 après l’échec de son ambitieux plan de relance. Sa mission “ne sera pas facile”, reconnaît-il, dans un message adressé aux employés. Et pour cause: Intel a accusé l’an passé sa première perte annuelle en près de vingt ans. Ses positions sont menacées sur ses marchés historiques, les processeurs pour ordinateurs et serveurs. Sa nouvelle activité de fonderie tarde à décoller. Et ses efforts dans les cartes graphiques dédiées à l’intelligence artificielle ne portent pas leurs fruits.

“Profil idéal” – Contrairement à son prédécesseur, Lip-Bu Tan n’est pas un pur produit de la maison. Il a acquis ses lettres de noblesse chez Cadence Design Systems, l’un des deux spécialistes américains des indispensables logiciels EDA de conception de puces, qu’il a dirigé pendant plus de dix ans. En 2022, il a été nommé administrateur d’Intel, notamment pour apporter son expérience à la branche fonderie. Mais il a démissionné de son poste à peine deux ans plus tard, en raison de désaccords stratégiques. “Il affiche le profil idéal, à savoir une combinaison d’expérience dans le design et dans la fabrication”, souligne l’analyste Patrick Moorhead. À Wall Street, où l’action d’Intel a chuté de 60% depuis décembre 2023, les investisseurs semblent convaincus. Comme ils l’avaient été au printemps 2021 lors de la nomination de Pat Gelsinger…

Vente de la fonderie ? – La première tâche Lip-Bu Tan sera de décider du sort de l’activité fonderie. Lancée en 2021, celle-ci consiste à graver des composants conçus par d’autres, une révolution pour Intel qui a historiquement bâti son modèle sur l’intégration verticale. Pat Gelsinger prévoyait ainsi d’investir plus de 100 milliards de dollars afin de bâtir de nouvelles usines aux États-Unis et en Europe. Certes, la société a signé quelques contrats emblématiques, notamment pour produire les puces d’IA de Microsoft et d’Amazon. Mais sa fonderie accumule de très lourdes pertes. De nombreux investisseurs réclament à la société de s’en séparer. Un scénario écarté par la précédente direction, qui comptait sur le prochain déploiement d’une nouvelle technique de gravure, devant permettre de combler le retard technologique accumulé sur TSMC.

Modèle fabless – Le géant taïwanais a d’ailleurs commencé à étudier le dossier, se rapprochant de potentiels partenaires américains pour créer une coentreprise – condition nécessaire pour obtenir un feu vert de Washington. Mais le nouveau patron ne semble, lui aussi, pas favorable à une vente, expliquant vouloir faire d’Intel “une fonderie de premier plan”. Pour Patrick Moorhead, la réflexion stratégique doit même aller au-delà. Elle doit porter sur l’ensemble de l’activité de production, qui serait alors entièrement sous-traitée. Le groupe de Santa Clara adopterait ainsi le modèle dit fabless, qui est devenu la norme dans l’industrie. Et il pourrait concentrer ses efforts sur ses CPU pour PC, sous la menace de rivaux conçus avec l’architecture ARM, et sur ses puces d’IA Gaudi. En cas d’échec, une vente à la découpe pourrait être inévitable.

Pour aller plus loin:
– La production pour TSMC, la conception pour Broadcom: vers un démantèlement d’Intel ?
– Nvidia ambitionne de concurrencer Intel sur le marché des CPU


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