Par , publié le 10 juin 2025

Un cache-misère. Fin mai, le fonds français Cathay Innovation a bouclé un véhicule d’investissement d’un milliard de dollars, destiné à financer des start-up dédiées à l’intelligence artificielle. Seul le suédois EQT Ventures a récolté en 2022, au cœur de l’euphorie post-Covid, une somme plus importante en Europe. Derrière cette opération, la réalité est cependant bien moins reluisante pour les spécialistes du capital-risque. Sur les cinq premiers mois de l’année, les fameux VC n’ont en effet levé que 40 milliards de dollars dans le monde, selon les décomptes du cabinet spécialisé Pitchbook. À moins d’un spectaculaire – et improbable – retournement du marché, ils devraient ainsi enregistrer leur plus mauvaise performance annuelle depuis 2015. “Les perspectives restent sombres”, souligne Emily Zheng, analyste chez Pitchbook.

Chute de 50% en deux ans – Dernier domino à tomber, les VC ont fini par être rattrapés par la fin de l’argent facile en raison du resserrement des politiques monétaires pour lutter contre l’envolée de l’inflation. Après avoir atteint un niveau record en 2021 et 2022, le niveau de collecte n’a cessé de reculer. L’an passé, il est tombé sous la barre symbolique des 200 milliards de dollars, soit une chute de 50% en seulement deux ans. Le nombre de nouveaux véhicules lancés par les VC a connu un repli encore plus important. Si certains gros noms du secteur ont dû revoir leurs ambitions à la baisse, ils résistent mieux que les autres. Aux États-Unis, la moitié des financements ont ainsi été récoltés par seulement neuf fonds. Les investisseurs “deviennent de plus en plus sélectifs, se tournant vers des gestionnaires qui ont fait leurs preuves”, note Emily Zheng.

Pas de “sorties” – L’aggravation de la situation s’explique principalement par le manque de “sorties”. Depuis 2022, les introductions en Bourse de sociétés technologiques tournent en effet au ralenti. Certes, le contexte boursier s’est amélioré, mais les marchés financiers ne sont plus enclins à accepter les valorisations démesurées que les start-up ont obtenues après la crise sanitaire. Par conséquent, les investisseurs en capital-risque, les Limited Partners ou LPs dans le jargon du secteur, attendent toujours de récupérer leur mise – et une éventuelle plus-value. L’an passé, le taux de distribution est ainsi tombé à 4%, selon Pitchbook, au plus bas depuis la crise financière de 2009. Et très loin de 32% enregistrés en 2021. Or, cette mécanique est indispensable pour les VC, car les LPs réinvestissent leurs liquidités dans de nouveaux véhicules.

Moins de levées – Les difficultés persistantes des fonds sont inquiétantes pour les start-up. Après des années de repli, les montants levés sont nettement repartis à la hausse au premier trimestre. Mais cette bonne santé apparente n’est qu’un trompe-l’œil: elle a été dopée par quelques gigantesques tours de table dans IA générative. Les autres secteurs ont beaucoup de mal à attirer. Sur les trois premiers mois de l’année, le nombre d’opérations a ainsi touché son plus bas niveau depuis au moins 2018. Si le dry powder – les liquidités que les fonds doivent encore investir – reste élevé, celui-ci est de plus en plus réservé pour soutenir les start-up déjà dans le portefeuille, avant une “sortie” ou la rentabilité. “La priorité des VC est de lever de nouvelles liquidités. En attendant, ils sont plus attentistes”, souligne Franck Sebag, associé chez EY.

Pour aller plus loin:
– Rebond en trompe-l’oeil pour les levées de fonds des start-up
– Pour la French Tech, l’année 2024 n’a pas été celle du rebond espéré


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité