Thinking Machines n’a ni produit, ni feuille de route, ni véritable site Web. Pourtant, à peine quatre mois après son lancement, la start-up américaine, que Meta et Apple ont récemment pensé à racheter, n’a éprouvé aucune difficulté pour lever deux milliards de dollars – le double de la somme initiale espérée – auprès de grands fonds d’investissement de la Silicon Valley, rapportent le Financial Times et Bloomberg. Et elle est déjà valorisée à dix milliards. Cette opération est inédite par ses montants, même dans le secteur de l’intelligence artificielle générative sur lequel les financements coulent à flots. Elle repose principalement sur l’identité de sa fondatrice: Mira Murati, l’ancienne directrice de la technologie d’OpenAI, propulsée au rang de vedette de l’IA par le lancement spectaculaire de ChatGPT.
CEO par intérim – Après avoir commencé sa carrière chez Tesla, Mira Murati a rejoint OpenAI en 2018. Elle a notamment supervisé la conception des grands modèles de langage derrière ChatGPT, et des modèles de diffusion alimentant le générateur d’image Dall-E. Fin 2023, elle fait partie du petit groupe de responsables de l’entreprise qui alerte le conseil d’administration, remettant en cause la stratégie de Sam Altman, son fondateur et patron, accusé de négliger les risques liés au développement à marche forcée de l’IA. Ce signalement débouche alors sur l’éviction abrupte du dirigeant. Mira Murati est même nommée directrice générale par intérim. Mais elle se désolidarise très rapidement, réclamant publiquement le retour de Sam Altman. Elle est ainsi épargnée par les représailles. Elle quitte OpenAI en septembre 2024 pour mener sa “propre exploration”.
Aucune info – Pour lancer Thinking Machines, Mira Murati a su attirer d’autres anciens du concepteur de ChatGPT, en particulier John Schulman, l’un des cofondateurs, qu’elle a nommé directeur scientifique. La start-up indique compter une quarantaine d’employés, tous passés par des grands noms de l’IA. Elle entretient cependant le mystère sur ses travaux. Elle explique simplement vouloir rendre les “systèmes d’IA plus largement compréhensibles, personnalisables et polyvalents”. Selon le Financial Times, les documents présentés aux investisseurs pour sa levée ne contenaient aucune information sur ses futurs produits ou sur ses objectifs financiers. Le site The Information explique cependant que Thinking Machines ambitionne de concevoir des outils d’IA sur mesure pour les entreprises, en utilisant la technique d’entraînement popularisée par la start-up chinoise DeepSeek.
Comme SSI – Mira Murati n’est pas la seule ancienne d’OpenAI à attirer les investisseurs. Avant elle, Ilya Sutskever avait déjà capitalisé sur son statut d’ex-directeur scientifique de la société. Sa nouvelle start-up, baptisée Safe Superintelligence, a levé 3 milliards de dollars en un an – notamment auprès du fonds Andreessen Horowitz, qui fait aussi partie des investisseurs de Thinking Machines. En avril, elle a été valorisée à 32 milliards de dollars. C’est déjà la moitié d’Anthropic, fondée en 2021, elle aussi par des anciens d’OpenAI, et qui réalise surtout un chiffre d’affaires de 3 milliards en rythme annualisé. SSI n’a toujours pas dévoilé le moindre service. Et ses dirigeants assurent qu’ils n’ont pas l’intention de lancer de produits commerciaux à court terme pour se concentrer uniquement sur le développement d’une “super-intelligence sûre”.
Pour aller plus loin:
– Safe Superintelligence lève un milliard de dollars pour son IA “sûre”
– Pourquoi les relations entre OpenAI et Microsoft n’en finissent plus de s’envenimer