Par , publié le 7 juin 2021

La décision est qualifiée d’“historique” par Isabelle de Silva, la présidente de l’Autorité de la concurrence. Reconnu coupable d’abus de position dominante dans la publicité en ligne, Google s’est engagé lundi à modifier certaines de ses pratiques dans le cadre d’une procédure de transaction avec le gendarme français. C’est la première fois que le géant américain accepte un tel arrangement, qui va impacter l’un des rouages essentiels de sa machine publicitaire. Et qui doit permettre de “rétablir un terrain de jeu équitable pour tous les acteurs”, selon Isabelle de Silva. Google devra par ailleurs verser une amende de 220 millions d’euros.

Publicité programmatique – L’affaire a été déclenchée en 2019, suite à une plainte déposée par trois groupes de presse: Le Figaro, l’américain News Corp et le belge Rossel. Elle porte sur le rôle de Google dans la publicité programmatique, qui s’est imposée ces dernières années comme le modèle dominant sur Internet. Il s’agit d’un système d’enchères aussi complexe qu’opaque qui permet de placer automatiquement des annonces et bannières sur les sites partenaires. Google est le premier acteur de ce gigantesque marché, notamment avec ses plateformes AdSense et DoubleClick. L’an passé, cette activité d’intermédiaire lui a permis de générer 23 milliards de dollars (19 milliards d’euros) de chiffre d’affaires.

Traitement préférentiel – Google occupe une position clé dans ce processus. Il possède en effet le principal serveur publicitaire et la principale plateforme d’enchères. Si les deux services sont officiellement indépendants, ils s’accordaient en réalité un traitement préférentiel. Par exemple, ils échangeaient des informations en temps réel, permettant à la société d’ajuster ses offres pour battre ses concurrentes. Ces “pratiques très graves […] ont permis à Google d’accroître sensiblement sa part de marché et ses revenus, par ailleurs déjà très élevés”, note l’Autorité de la concurrence. Elles ont également été préjudiciables aux éditeurs de sites Internet, car ils n’ont pas obtenu le meilleur prix disponible pour leurs espaces publicitaires.

Indemnisation – Le moteur de recherche, déjà condamné à payer une amende de 150 millions d’euros en 2019, s’engage désormais à y mettre un terme. Il promet en particulier d’offrir aux plateformes tierces les mêmes informations en temps réel. L’accord trouvé avec le régulateur français pourrait ouvrir la voie à des demandes d’indemnisation. Et il pourrait également dépasser les frontières hexagonales, en donnant du poids aux procédures lancées ailleurs en Europe et aux Etats-Unis. Google semble d’ailleurs déjà anticiper cette contagion: une partie des changements négociés avec l’Autorité de la concurrence seront déployés partout dans le monde.

Pour aller plus loin:
– Google ciblé en France pour ses pratiques de pistage publicitaire
– L’Europe s’interroge sur l’efficacité des amendes infligées à Google


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