Par , publié le 28 septembre 2022

L’idée paraissait ambitieuse, pour ne pas dire irréaliste. Elle devrait finalement amener plusieurs personnes devant la justice. Mardi, la Securities & Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain, a lancé des poursuites contre deux anciens dirigeants de MoviePass, une start-up qui avait beaucoup fait parler d’elle il y a cinq ans en proposant un abonnement illimité au cinéma pour seulement dix dollars par mois. Ses responsables sont désormais accusés de fraude: selon les autorités, ils auraient menti aux investisseurs, en promettant que leur modèle pouvait être rentable. Croulant sous les dettes, la start-up a finalement fait faillite en 2020.

Trois millions d’abonnés – Créée en 2011, MoviePass est sortie de l’anonymat en 2017 avec son offre à dix dollars. En quelques mois, le service est passé de 20.000 clients à plus de trois millions. Il faut dire qu’il était particulièrement avantageux: pour le prix d’un abonnement à Netflix, il permettait d’aller voir en salles n’importe quel film, dans n’importe quel cinéma. L’abonnement était rentabilisé en deux séances, voire une seule dans les grandes villes. Cette offre avait suscité une vague de scepticisme chez les professionnels du secteur. “Ils ne comprennent rien à notre modèle économique”, leur répondait alors Mitch Lowe, le directeur général de MoviePass, connu pour avoir précédemment chamboulé le marché de la location de DVD aux États-Unis.

Lourdes pertes – La société ne disposait d’aucun accord commercial avec les chaînes de cinéma: elle leur payait le tarif habituel sur chaque place achetée. Pour rentrer dans ses frais, elle ambitionnait de proposer des outils marketing aux studios d’Hollywood, pour promouvoir leur dernier long-métrage en fonction des films déjà regardés par les utilisateurs. Elle prévoyait également d’offrir d’autres services, comme l’achat de pop corn et boissons, la réservation d’une place de parking ou d’une table dans un restaurant situé à proximité. “Il a des dizaines de sources de recettes possibles”, assurait Mitch Lowe. Mais ces nouvelles activités ne se sont jamais traduites par d’importantes recettes. En deux ans, MoviePass a perdu près de 500 millions de dollars.

Mensonges – Dans sa plainte, la SEC multiplie les exemples de déclarations mensongères, dans les médias et dans les documents officiels envoyés au gendarme boursier. Ses dirigeants assuraient notamment que le prix de dix dollars avait été déterminé après de nombreuses études de marché, qui n’ont en réalité jamais existé. Ils promettaient aussi en public que ce tarif permettrait d’atteindre la rentabilité, quand ils reconnaissaient en interne qu’il devra être revu à la hausse. Autre exemple: ils se disaient capables de glaner 6 dollars de revenus additionnels par mois et par abonné, quand ils ne généraient en réalité que 50 cents. La SEC leur reproche également d’avoir volontairement restreint l’utilisation du service à certains abonnés très actifs, sous prétexte de lutter contre la fraude.

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