Pékin lance la riposte. Deux mois après l’entrée en vigueur de nouvelles restrictions américaines sur les semi-conducteurs, la Chine vient de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dénonçant des “pratiques protectionnistes” qui menacent “la stabilité de la chaîne d’approvisionnement industrielle mondiale”. La démarche chinoise semble cependant destinée à rester symbolique. Non seulement, celle-ci devrait traîner en longueur: l’OMC vient tout juste de statuer sur la plainte déposée en 2018 sur les droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium – sans compter la possibilité d’appel d’une éventuelle condamnation. Et surtout, l’institution basée à Genève ne pourra pas, de toute façon, imposer à Washington de lever ses restrictions.
Puces avancées – Les premières sanctions américaines sur les semi-conducteurs ont été imposées en 2020 par l’administration Trump. Elles ciblaient des entreprises soupçonnées d’entretenir des liens étroits avec l’armée chinoise, dont Huawei et SMIC. Les mesures mises en place en octobre sont beaucoup plus larges. Elles interdisent aux entreprises américaines d’exporter vers la Chine des puces avancées et les équipements permettant de les produire, sans autorisation préalable du gouvernement. Ces restrictions s’appliquent également aux groupes étrangers, dès lors qu’ils utilisent des technologies ou des équipements américains. L’administration Biden explique vouloir protéger sa “sécurité nationale”, ce qui lui permet de se placer théoriquement à l’abri d’une condamnation de l’OMC.
Pressions diplomatiques – Ces nouvelles sanctions représentent un frein majeur pour les ambitions de la Chine, qui s’est fixé pour objectif de fabriquer 70% des semi-conducteurs dont elle a besoin d’ici à 2025. Mais leur impact pourrait être beaucoup plus grand si les États-Unis arrivent à convaincre leurs alliés de prendre des mesures similaires. Ces derniers mois, la diplomatie américaine fait ainsi pression sur les gouvernements néerlandais et japonais. Les deux pays abritent respectivement ASML et Tokyo Electron, deux équipementiers indispensables dans la production des puces de dernière génération. Selon l’agence Bloomberg, ces efforts ont porté leurs fruits: La Haye et Tokyo se sont mis d’accord pour suivre Washington.
Subventions – Sans équipements étrangers, la Chine ne pourra pas remplir ses objectifs de production. Ni monter en gamme pour fabriquer les puces avancées que les entreprises chinoises ne peuvent désormais plus acheter auprès de quasiment tous les fabricants mondiaux. Face à ce risque, le régime prépare un plan massif de subventions et de crédits d’impôt pour aider son industrie des semi-conducteurs, explique l’agence Reuters. Celui-ci pourrait se chiffrer à 1.000 milliards de yuans (136 milliards d’euros). Et visera notamment à faire progresser les équipementiers, qui comptent des années de retard sur leurs rivaux. “Impossible que la Chine puisse bâtir une industrie de pointe par elle-même”, estime cependant Stacy Rasgon, analyste chez Bernstein, interrogé par Bloomberg.
Pour aller plus loin:
– Les Pays-Bas maintiennent en vie les ambitions de la Chine dans les puces
– L’Europe veut investir 43 milliards d’euros dans les puces