Par , publié le 23 novembre 2022

Aux premiers abords, c’est une petite phrase qui peut sembler sans grande importance. Interrogée par le quotidien NRC, Liesje Schreinemacher, la ministre néerlandaise du Commerce extérieur, a expliqué que son pays “ne copiera pas toutes les restrictions américaines sur les exportations vers la Chine”. Dans les faits, cette déclaration, la première d’un responsable néerlandais sur ce sujet, est capitale pour les ambitions de Pékin dans les semi-conducteurs, mises à mal par de nouvelles mesures imposées en octobre par l’administration Biden. Les Pays-Bas, qui défendront leurs “intérêts économiques”, selon la ministre, sont en effet la patrie d’ASML. Une entreprise aussi méconnue du grand public qu’essentielle pour toute l’industrie.

Ultraviolet extrême – Fondé en 1984 et installé à Veldhoven, une petite ville située à une heure de route au sud d’Amsterdam, ASML fabrique les machines-outils qui permettent de produire les puces électroniques. La société contrôle aujourd’hui plus de 60% du marché, devançant très nettement ses deux rivaux japonais Nikon et Canon. Et elle est également la seule à concevoir les machines de dernière génération, reposant sur la technique de lithographie par rayonnement ultraviolet extrême (EUV en anglais). Ces modèles, vendus à plus de 100 millions d’euros pièce, sont indispensables pour réaliser les gravures les plus fines. ASML se retrouve ainsi en position de monopole pour les puces les plus avancées.

Pressions américaines – Depuis octobre, les fabricants chinois de semi-conducteurs ne peuvent plus s’approvisionner auprès des équipementiers américains. Un moindre mal car ils peuvent toujours se tourner vers ASML et les fournisseurs japonais. Pour contrer les ambitions de Pékin, Washington fait donc pression depuis plusieurs mois sur La Haye et Tokyo, pour qu’ils s’alignent sur ses restrictions d’exportation. Il y a deux ans, le gouvernement néerlandais avait cédé aux demandes américaines, n’autorisant pas ASML à expédier des machines EUV en Chine. La société continue cependant de livrer des appareils moins sophistiqués, qui permettent de produire l’immense majorité des puces. Cette fois-ci, les Pays-Bas ne semblent pas encore prêts à suivre les États-Unis.

Monter en gamme – Mardi, lors d’une réunion du G20, le président chinois Xi Jinping a demandé au premier ministre néerlandais, Mark Rutte, de “maintenir la stabilité de la chaîne industrielle”. L’enjeu est crucial. Non seulement l’industrie chinoise des semi-conducteurs ne peut pas se passer des équipements étrangers pour atteindre les très ambitieux objectifs fixés par Pékin – fabriquer 70% des semi-conducteurs dont le pays a besoin d’ici à 2025. Mais elle ne pourra pas non plus monter en gamme pour produire des puces avancées, que les entreprises chinoises ne peuvent désormais plus acheter auprès de quasiment tous les fabricants mondiaux, américains bien sûr mais aussi asiatiques.

Pour aller plus loin:
– ASML, le géant européen inconnu des semi-conducteurs
– L’Europe veut investir 43 milliards d’euros dans les puces


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