Par , publié le 6 novembre 2023

L’annonce a fait grand bruit… pour rien. La semaine dernière, le Comité européen de la protection des données (CEPD), qui regroupe tous les régulateurs du continent, a demandé à la Cnil irlandaise, la DPC, d’interdire sous deux semaines la publicité comportementale sur Facebook et Instagram. Une “décision contraignante” qui représente l’aboutissement d’une longue bataille entre Meta et les autorités autour du respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Et qui constitue, sur le papier, une remise en cause du modèle économique de la maison mère des deux réseaux sociaux. Dans les faits cependant, cette décision n’aura pas d’impact car elle intervient à contretemps. Meta s’apprête en effet à lancer une parade: des abonnements payants permettant de naviguer sans aucune publicité.

Consentement – La longue passe d’armes entre les deux parties porte sur le consentement des internautes, désormais obligatoire en Europe, pour pouvoir utiliser leurs données personnelles à des fins publicitaires. Meta ne souhaite pas mettre en place un consentement classique, offrant le choix d’accepter ou de refuser le ciblage, car de nombreux internautes auraient répondu par la négative, handicapant sa capacité à monétiser son audience. À la place, le groupe dirigé par Mark Zuckerberg a ajouté cette disposition dans ses conditions d’utilisation, forçant ainsi ses utilisateurs à donner leur consentement, généralement sans le savoir. Cette pratique a été retoquée fin 2022 par les Cnil européennes, dont l’interprétation a été validée cet été, dans une affaire annexe, par la Cour de justice de l’Union européenne.

Abonnement payant – Entre-temps, Meta avait aussi tenté d’invoquer le principe “d’intérêt légitime”, prévu dans le RGPD. Mais ses efforts ont également été rejetés par la justice européenne. Pourtant, la société n’a pas modifié ses pratiques. C’est pour cela que le CEPD a saisi la DPC, son autorité de référence en Europe dans le cadre du guichet unique. Il demande l’interdiction du ciblage publicitaire, mais seulement sur les bases juridiques utilisées jusqu’à présent par le réseau social. Cette initiative arrive donc trop tard pour avoir un effet. La semaine dernière, Meta a en effet annoncé un basculement vers le consentement. Mais un consentement un peu particulier, qui s’effectuera par l’argent. Seuls les internautes qui acceptent de payer au moins 10 euros par mois pourront échapper aux publicités ciblées.

“Graves inquiétudes” – La question est désormais de savoir si ce dispositif est conforme au RGPD. Meta l’affirme en s’appuyant sur le jugement de la Cour de justice de l’UE, qui “a expressément reconnu qu’un modèle d’abonnement constitue une forme valide de consentement pour un service financé par la publicité”. Dans un dossier similaire – les “cookies wall” –, la Cnil française avait aussi estimé que les “contreparties monétaires” peuvent “constituer une alternative au consentement”, tout en soulignant qu’elles devaient être proposées à un “tarif raisonnable” afin d’offrir un “véritable choix” aux internautes. Le CEPD dit étudier la question. Mais le régulateur norvégien, particulièrement en pointe dans le combat contre Meta, a déjà exprimé de “graves inquiétudes” sur l’alternative proposée par le réseau social.

Pour aller plus loin:
– Amende historique pour Facebook en Europe
– Pourquoi Threads n’est pas disponible en Europe


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