Par , publié le 13 décembre 2023

La victoire est à la fois retentissante et potentiellement… anecdotique. Lundi, un tribunal de San Francisco a donné raison à Epic Games dans le procès l’opposant à Google, estimant que le moteur de recherche a mis en place des pratiques anticoncurrentielles lui permettant de maintenir son monopole dans la distribution d’applications mobiles sur le système Android. Et ainsi de continuer à prélever des commissions de 15% ou de 30% sur les achats et abonnements. “Les dominos commencent à tomber”, se réjouit Tim Sweeney, le patron du concepteur du jeu vidéo Fortnite, qui ne réclame pas une compensation financière mais seulement des changements. Cependant, Google va logiquement faire appel de ce jugement, ce qui pourrait lui permettre de repousser de plusieurs années d’éventuelles modifications.

Jury populaire – La victoire d’Epic est inattendue. Non seulement, la société avait échoué, à deux reprises, à faire condamner Apple dans une affaire similaire. Mais elle s’était aussi retrouvée isolée juste avant l’ouverture du procès, après les règlements à l’amiable conclus par Google avec les 50 États américains et avec Match, le géant des rencontres en ligne, initialement associés à la plainte d’Epic. Trois éléments ont cependant joué en sa faveur. D’abord, le verdict n’a pas été rendu par un juge, comme face au groupe à la pomme, mais par un jury populaire, qui a été plus sensible à ses arguments plutôt que de seulement s’appuyer sur une interprétation juridique. Cela s’est notamment matérialisé dans la définition du marché, un élément capital dans les dossiers antitrust, qui avait permis à Apple d’échapper à une condamnation.

Accords commerciaux – Ensuite, Google n’a certainement pas été aidé par le fait d’avoir supprimé des messages entre ses dirigeants pour effacer des preuves. Enfin, le géant de Mountain View a été rattrapé par ses multiples accords financiers avec les opérateurs mobiles et les fabricants pour qu’ils ne préinstallent pas de boutiques d’applications rivales sur leurs smartphones. Et aussi avec des éditeurs, dont Activision et Nintendo, pour qu’ils ne distribuent leurs jeux vidéo que sur le Play Store, le magasin de Google. Pour maintenir son monopole, Apple n’a pas eu besoin de conclure de tels accords car son système iOS est encore plus fermé qu’Android. Cela se traduit par une situation paradoxale: Google a été reconnu comme un monopole illégal, quand son rival, qui impose des restrictions plus importantes, ne l’a pas été.

Un appel plus favorable ? – Ce verdict marque le début d’un long processus judiciaire. Le juge qui a supervisé le procès doit encore déterminer les changements que devra mettre en place le moteur de recherche. Epic souhaite notamment que les développeurs ne soient plus contraints d’utiliser son système de paiement. Et donc de lui reverser des commissions. Plusieurs milliards de dollars sont en jeu si la justice opte pour une ouverture totale. Cependant, Google a déjà indiqué qu’il ferait appel, tout en réclamant très probablement une suspension temporaire du verdict. Cela ouvrira la voie à un nouveau procès, peut-être plus favorable car son issue ne sera pas déterminée par un jury populaire. L’affaire pourrait ensuite remonter jusqu’à la Cour suprême des États-Unis, comme c’est le cas pour le conflit entre Apple et Epic.

Pour aller plus loin:
– Aux États-Unis, Google affronte un procès historique
– Bruxelles se prépare à une bataille judiciaire contre Apple et Google


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