Par , publié le 7 mars 2024

Apple a attendu le dernier moment. Mercredi, à la veille de l’entrée en vigueur du Digital Markets Act européen, le groupe a la pomme a suspendu le compte développeur d’Epic Games, avec lequel il est en conflit depuis des années. Conséquence: l’éditeur du jeu vidéo Fortnite ne pourra pas lancer une boutique d’applications mobiles sur le système iOS, concurrente de l’App Store, comme il prévoyait de le faire en vertu de cette nouvelle réglementation qui vise à renforcer la concurrence dans le numérique. Une décision radicale qui ne manquera pas de faire parler, alors que les mesures annoncées en janvier par Apple pour se mettre en conformité avec le DMA suscitent de nombreuses critiques. Mercredi, la société a certes consenti à quelques assouplissements. Mais elle s’expose toujours à de potentielles sanctions de Bruxelles.

Deux procès – Le conflit a commencé en 2020, quand Epic a ajouté son propre système de paiement pour les achats effectués sur Fortnite. Une violation délibérée des règles de l’App Store qui s’est traduite par le retrait du jeu. L’éditeur avait alors immédiatement lancé une action en justice, dénonçant les “pratiques anticoncurrentielles et monopolistiques” d’Apple, qui oblige les développeurs à lui verser des commissions de 30%. Deux procès ont suivi devant la justice américaine, qui ont conclu que le concepteur de l’iPhone ne pouvait pas être considéré comme un monopole. Mais qui lui ont aussi imposé de mettre un terme à sa pratique d’anti-steering, qui interdit aux applications de rediriger les utilisateurs vers un site Internet pour effectuer un achat. Les modifications, très strictes, proposées par Apple sont contestées par Epic.

“Pas l’intention de suivre les règles” – Depuis, la rancœur est tenace entre les deux groupes. Epic pensait bien tenir une revanche grâce au DMA, qui met fin au monopole de l’App Store sur le système iOS. La société travaillait en effet sur un magasin concurrent, permettant ainsi aux possesseurs d’iPhone d’avoir de nouveau accès à Fornite. Conformément aux nouvelles règles d’Apple, elle devait cependant disposer d’un compte développeur, puis obtenir une autorisation. Le groupe à la pomme justifie sa décision par les récentes attaques lancées par Tim Sweeney, le patron d’Epic, et par les précédentes violations des conditions d’utilisation, qui “suggèrent fortement que Epic n’a pas l’intention de suivre les règles”. L’éditeur dénonce, lui, la volonté d’empêcher l’arrivée d’un rival, en violation avec le DMA.

Passer en force – L’attitude d’Apple est risquée. Soutenu par Spotify, Epic avait déjà demandé à Bruxelles d’examiner les nouvelles restrictions imposées dans le cadre du DMA. Le groupe de Cupertino tente en effet de s’engouffrer dans les failles de la réglementation pour préserver au maximum le statu quo, qui lui permet d’engranger des milliards de dollars de profits chaque année. Il va notamment facturer de nouvelles commissions, particulièrement pénalisantes, pour les développeurs qui voudraient utiliser d’autres boutiques. En s’attaquant à Epic, il semble, une nouvelle fois, defier la Commission européenme. Qu’importe si elle vient de lui infliger une amende de 1,8 milliard d’euros. Et qu’importe si Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence, a assuré mardi qu’elle sera attentive aux magasins d’applications.

Pour aller plus loin:
Commissions et restrictions: comment Apple veut contrecarrer le DMA
– Face à Epic, Google concède une défaite judiciaire retentissante


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