Par , publié le 12 mars 2024

Le changement peut paraître anecdotique. Mais il parachève un revirement stratégique majeur pour Facebook. Fin février, le réseau social aux quatre milliards d’utilisateurs a annoncé la disparition de son onglet “actualités” aux États-Unis et en Australie. Cet espace dédié, qui permettait d’obtenir un fil composé uniquement d’articles de presse, avait déjà été retiré l’an passé en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Pour justifier cette décision, sa maison mère Meta explique que le nombre d’utilisateurs de cet onglet, relégué très bas dans la barre de gauche, a chuté de 80% l’an passé. Et elle souligne que “les actualités représentent moins de 3% de ce que les gens voient dans leur fil”, oubliant cependant de rappeler que ce petit pourcentage s’explique principalement par les changements apportés à ses algorithmes.

Rémunération des médias – L’onglet “actualités” a été officiellement lancé à l’été 2020 aux États-Unis pour tenter de tourner la page de l’historique difficile entre le réseau social et l’information. Facebook promettait alors d’offrir à ses utilisateurs des “actualités de qualité avec une grande diversité de sources”, sélectionnées par une équipe de journalistes – une filiale de l’AFP, par exemple, en France. Pour alimenter son service, la société avait noué des accords avec des centaines d’éditeurs de presse, leur faisant miroiter une meilleure visibilité et donc du trafic additionnel sur leur site Internet. Mais pas seulement: ces médias étaient aussi rémunérés. Aux États-Unis, Meta aurait ainsi versé plus de 100 millions de dollars en trois ans. Ces accords commerciaux ont déjà pris fin ou ne seront pas renouvelés.

“Amis et famille” – Cette annonce constitue une nouvelle étape dans un long processus, qui trouve ses racines dans l’élection américaine de 2016. Facebook avait alors été accusé d’avoir favorisé l’élection de Donald Trump, en permettant la diffusion de fausses informations. Critiqué, le réseau social avait choisi de prendre ses distances avec l’actualité, modifiant son algorithme pour privilégier les messages publiés par “les amis et la famille”. De quoi provoquer une importante chute du trafic généré vers les sites de presse. Celle-ci n’a cessé de s’accélérer depuis, alors que Facebook met de plus en plus en avant les vidéos et de nouveaux formats (Stories et Reels). Comme un symbole, l’ancienne journaliste Campbell Brown, recrutée en 2017 pour gérer les relations avec les médias, a quitté son poste en octobre.

Plus à perdre – Ces dernières années, ces relations se sont surtout résumées aux chèques signés par Facebook, en partie pour s’acheter une bonne image auprès de l’opinion publique. Engagée dans une rationalisation de ses dépenses, la société ne souhaite plus payer. D’autant plus qu’elle a davantage à perdre qu’à gagner avec l’information, tantôt accusée de ne pas lutter contre la désinformation, tantôt de censurer certaines opinions. Les actualités peuvent aussi être clivantes ou anxiogènes, créant un rejet de certains utilisateurs. Et aussi un climat moins favorable pour les annonceurs. Enfin, Facebook fait aussi face à de nouvelles réglementations, qu’il conteste, sur les “droits voisins” (rémunération des éditeurs de presse pour compenser le partage d’articles) en Europe, en Australie et au Canada.

Pour aller plus loin:
– Meta lance Threads, son rival de Twitter, en Europe
– Le DSA européen affronte son premier test d’envergure


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