Par , publié le 14 mars 2024

Jamais les parlementaires américains n’étaient allés aussi loin pour forcer une vente de TikTok. Mercredi, la Chambre des représentants a adopté, à une très large majorité, un texte laissant 165 jours au groupe chinois ByteDance pour se séparer de la très populaire plateforme de courtes vidéos. Faute de quoi, celle-ci sera bannie des boutiques d’applications mobiles aux États-Unis, empêchant ainsi ses 170 millions d’utilisateurs américains de l’installer sur un nouvel appareil ou de la mettre à jour. Jusqu’à présent, les précédentes tentatives parlementaires n’avaient jamais dépassé le stade de simple projet de loi. Cependant, le chemin reste encore long avant une potentielle entrée en vigueur de ce texte. Celui-ci va d’abord devoir être adopté par le Sénat. Et il devra ensuite résister à une féroce bataille judiciaire.

Campagne d’influence – La nouvelle offensive de Washington a pris de court les dirigeants de TikTok, qui pensaient avoir vu la menace s’écarter l’an passé. Et qui considéraient l’ouverture d’un compte par les équipes de campagne de Joe Biden comme un signal positif. En coulisses, cependant, les responsables démocrates et républicains n’ont cessé de discuter avec la Maison blanche. Selon le Wall Street Journal, le conflit israélo-palestinien a servi de catalyseur en démontrant le pouvoir de l’application sur l’opinion publique. Et renforçant ainsi les craintes de potentielles campagnes d’influence de Pékin, susceptible de manipuler l’algorithme de recommandations de TikTok. Mardi, la directrice du renseignement a expliqué qu’elle ne pouvait pas écarter un tel scénario pendant les prochaines élections américaines de novembre.

Plus difficile au Sénat – TikTok pensait aussi être protégé par sa popularité aux États-Unis, estimant que des élus ne prendraient pas le risque de se mettre à dos des électeurs à quelques mois du scrutin. Mais c’est l’inverse qui s’est produit: les parlementaires veulent adopter une ligne dure envers la Chine, à l’image de l’administration Biden qui a élargi à l’automne les restrictions d’exportation de puces dédiées à l’intelligence artificielle. La partie s’annonce cependant plus compliquée au Sénat, où plusieurs projets de loi visant l’application ont échoué ces dernières années. Le chef de la majorité démocrate n’a pas souhaité s’engager sur un examen du texte. Plusieurs sénateurs ont prévenu que le processus législatif ne serait pas précipité, comme cela a été le cas à la Chambre. Et d’autres ont déjà exprimé leur opposition.

Premier amendement – Si le projet de loi est voté par le Sénat, il devra affronter un autre obstacle majeur: la justice, qui sera sans aucun doute saisie par TikTok et des associations de défense des libertés. En 2020, des juges avaient déjà bloqué les efforts de l’administration Trump pour forcer une vente à Oracle et Walmart, estimant que la menace de bannissement était contraire au premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d’expression. Pour tenter d’éviter un scénario identique, le projet de loi ne propose pas d’interdire TikTok aux États-Unis en l’absence d’une vente. Mais simplement de restreindre sa distribution. Plusieurs juristes estiment cependant que le gouvernement devra quand même prouver qu’il existe un risque majeur sur la sécurité nationale. Ce qui n’a pas encore fait…

Pour aller plus loin:
– TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Comment un milliardaire américain a sauvé TikTok


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