Par , publié le 20 mars 2024

La menace est suffisamment sérieuse pour déclencher un code rouge à La Haye. Face aux inquiétudes exprimées par ASML, le gouvernement néerlandais a déclenché ces dernières semaines l’opération Beethoven. Objectif: rassurer le premier fabricant mondial de machines de lithographie, qui assure ne pas écarter une installation dans d’autres pays européens, potentiellement en France. “Si nous ne pouvons pas grandir aux Pays-Bas, nous grandirons ailleurs”, a une nouvelle fois prévenu, début mars, Peter Wennink, son directeur général, après une rencontre avec Mark Rutte, le premier ministre sur le départ. Dans son viseur: le durcissement de la politique migratoire du pays, qui pourrait empêcher ASML de recruter suffisamment de travailleurs très qualifiés pour mener à bien ses projets d’expansion.

Ultraviolet extrême – Fondée en 1984 à Veldhoven, dans la banlieue d’Eindhoven, la société néerlandaise est devenu un chaînon indispensable sur le secteur des semi-conducteurs. Non seulement elle contrôle plus de 60% du marché, devançant très nettement ses rivales japonaises Nikon et Canon. Mais elle possède aussi une position de monopole pour les composants avancés, grâce à la lithographie par rayonnement ultraviolet extrême (EUV en anglais), une technique qu’elle est encore la seule à maîtriser. Les puces les plus sophistiquées, des processeurs d’iPhone aux GPU utilisés dans l’entraînement des modèles d’IA, sont ainsi gravées par ses machines-outils. En cinq ans, son chiffre d’affaires a plus que doublé, atteignant 27,6 milliards d’euros en 2023. En Bourse, ASML est désormais la troisième capitalisation européenne.

Doubler la production – Face à la forte demande, le groupe prévoit d’augmenter considérablement ses capacités de production au cours des prochaines années. Il souhaite notamment livrer 90 machines UEV par an d’ici à 2026, deux fois plus que l’an passé. Et également 20 exemplaires de sa machine de nouvelle génération, un mastodonte de 150 tonnes commercialisé à 350 millions d’euros. Ses ambitions pourraient cependant se heurter aux réalités politiques du pays. Fin novembre, l’extrême droite néerlandaise est arrivée en tête des élections législatives. Si son chef de file, Geert Wilders, ne deviendra pas premier ministre, faute d’avoir réussi à réunir derrière lui une coalition gouvernementale, le prochain gouvernement devrait adopter une ligne dure en matière d’immigration, même qualifiée, et d’accueil d’étudiants étrangers.

Usine en France ? – ASML dénonce déjà une mesure entrée en vigueur en janvier: la réduction des avantages fiscaux pour les travailleurs étrangers qualifiés. Le groupe, qui assure que la main d’œuvre locale n’est pas suffisante, redoute d’avoir plus de difficultés pour attirer les talents dont il a besoin. Environ 40% de ses 23.000 employés aux Pays-Bas ne sont pas néerlandais. Selon le quotidien De Telegraaf, ses dirigeants étudient donc la possibilité d’installer de nouvelles usines en France. Difficile cependant de savoir s’il s’agit d’une simple menace ou d’une véritable alternative. Car un tel changement impliquerait de repenser une chaîne logistique très complexe, impliquant environ 5.000 sous-traitants. Ironie de l’histoire, la décision pourrait être prise par le français Christophe Fouquet, qui prendra la tête d’ASML en avril.

Pour aller plus loin:
– L’Europe va investir 43 milliards d’euros dans les puces
– Pourquoi Samsung ne parvient toujours pas à rivaliser avec TSMC


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