Par , publié le 26 mars 2024

Emad Mostaque va pouvoir redevenir agent secret, plaisante-t-il avec l’agence Bloomberg. Vendredi, le fondateur et patron de la start-up britannique Stability AI, qui s’est aussi fait remarquer pour ses affabulations, a démissionné de son poste. Dans un court message, il explique vouloir se focaliser sur l’intelligence artificielle décentralisée, la seule, selon lui, à pouvoir rivaliser avec les grands acteurs du secteur. Mais son départ ressemble davantage à une mise à la porte, précipitée par des mois de conflit larvé avec son principal actionnaire, le fonds américain Coatue. Et par une situation financière préoccupante, après l’échec l’an passé d’une levée de fonds, d’un montant espéré de 400 millions de dollars, qui aurait dû lui permettre de disposer de ressources suffisantes pour financer sa stratégie de croissance.

Besoin de trésorerie – Fondée en 2019 à Londres, Stability a longtemps été l’une des start-up vedette de l’IA générative, avec son générateur d’images Stable Diffusion. En octobre 2022, un mois avant le lancement grand public de ChatGPT, elle avait ainsi recueilli 100 millions de dollars, sur la base d’une valorisation d’un milliard. Depuis, pourtant, les investisseurs ne se bousculent plus. Sa trésorerie a donc fondu, en raison des coûts liés à l’entraînement et au fonctionnement des modèles et de nombreux recrutements de chercheurs en IA. Pour payer ses factures, la société a dû se rabattre, il y a un an, sur un premier prêt convertible en actions, d’un montant de 25 millions de dollars. Puis sur un deuxième, d’un montant de 50 millions, contracté en octobre dernier auprès d’Intel. De quoi lui accorder quelques mois de répit seulement.

Exagérations et mensonges – Ces difficultés à lever des fonds peuvent s’expliquer par un concurrence féroce de la part du laboratoire de recherche américain Midjourney, qui permet de réaliser des images photoréalistes impressionnantes, et de DALL-E, développé par la richissime start-up américaine OpenAI, également à l’origine de ChatGPT. Elles peuvent aussi provenir des deux procédures judiciaires lancées par un groupe d’artistes et par la grande banque d’images Getty, qui l’accusent d’avoir violé leur propriété intellectuelle pour entraîner le modèle d’IA alimentant Stable Diffusion. Elles s’expliquent enfin par une série de polémiques autour des multiples exagérations, voire des mensonges, de son patron, ou autour de la propriété intellectuelle sur son modèle, en réalité conçu par une université allemande.

Vague de départs – La crise couvait aussi en interne. Depuis un an, de nombreux employés ont quitté l’entreprise, notamment le directeur opérationnel et le directeur de la recherche. La semaine dernière, trois de ses principaux chercheurs se sont ajoutés à cette longue liste. Sans Emad Mostaque à sa tête, Stability va pouvoir ouvrir un nouveau chapitre. La start-up a déjà entamé une diversification de son activité, lançant des modèles capables de générer du texte, du code et des vidéos. Mais elle a pris du retard. Elle va aussi certainement mettre l’accent sur la monétisation, qui ne semblait pas trop intéresser son fondateur. Il ne serait ainsi pas étonnant qu’elle revienne, au moins en partie, sur son choix de l’open source, comme l’a fait la start-up française Mistral AI. Le temps presse, car ses caisses sont quasiment vides.

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