Cela ressemble à un revers pour Meta, un de plus. Mercredi, le Comité européen de la protection des données (CEPD) a émis un avis défavorable sur le principe de “pay or consent”, consistant à proposer un abonnement payant comme seule alternative pour les internautes qui ne souhaitent pas que leurs données personnelles soient utilisées à des fins publicitaires. Ces dernières “ne peuvent pas être considérées comme une marchandise”, souligne l’organisme, qui regroupe les Cnil européennes. Et d’ajouter que “le droit fondamental à la protection des données” ne peut être transformé en option payante. Cette décision ne cite pas directement la maison mère de Facebook et d’Instagram. Mais elle pourrait signifier que l’offre payante qu’elle a lancée l’an passé ne lui permet pas de respecter, enfin, le Règlement général sur la protection des données.
Consentement – Cet abonnement, disponible seulement en Europe à partir de dix euros par mois, permet de surfer sur Facebook et Instagram sans aucune publicité. La société américaine estime que cela lui permet de se mettre en conformité avec le RGPD, qui impose de recueillir le consentement pour le ciblage publicitaire. Depuis des années, Meta cherche en effet une parade pour éviter de mettre en place un consentement classique que de nombreux internautes auraient refusé, handicapant sa capacité de monétisation. À la place, elle a d’abord ajouté cette disposition dans ses conditions d’utilisation, forçant ses membres à donner leur autorisation, généralement sans le savoir. Mais cette pratique a été retoquée par les Cnil. Elle a ensuite tenté d’invoquer le principe “d’intérêt légitime”, prévu dans le RGPD. Sans succès.
“Tarif raisonnable” – Pour justifier son abonnement, Meta s’appuie sur un jugement de la Cour de justice de l’Union européenne, qui ouvrait la voie à une option payante comme forme de consentement, à condition cependant que celle-ci soit proposée à un “tarif raisonnable”. Dans un dossier similaire – les “cookies wall” –, la Cnil française avait émis un jugement similaire. Questionné le mois dernier par Bruxelles, le réseau social s’est dit prêt à ramener son offre à six euros par mois. Le prix le plus bas qu’il peut proposer, assure-t-il, car représentant l’équivalent du revenu publicitaire moyen par mois et par utilisateur sur Facebook. Un argumentaire rejeté par l’association Noyb, menée par l’activiste autrichien Max Schrems, à l’origine de l’invalidation du Privacy Shield, qui a donc saisi fin 2023 la Cnil autrichienne.
Vers une amende ? – Pour Noyb, le principe de “pay or consent” n’est pas compatible avec la notion de “choix libre” prévue dans le RGPD. La preuve, avance-t-elle, seulement 3% à 10% des internautes souhaitent des publicités ciblées, mais 99,9% d’entre eux les acceptent plutôt que de payer. “La plupart des utilisateurs consentent, sans comprendre pleinement les implications de leurs choix”, abonde Anu Talus, la présidente du CEPD. Ainsi, les “grandes plateformes” ne peuvent pas remplacer le consentement par un abonnement “dans la plupart des cas”. Le CEPD promet de publier des lignes directrices ces prochains mois. “Meta n’a plus d’autre choix que d’offrir aux utilisateurs une véritable option oui/non pour la publicité personnalisée”, veut d’ores et déjà croire Max Schrems. Déjà condamnée, la société risque une nouvelle amende.
Pour aller plus loin:
– Facebook condamné à une amende record de 1,2 milliard d’euros
– L’Europe remet en cause les pratiques publicitaires de Facebook