Par , publié le 3 juin 2024

Comme sa compatriote Shein, Temu n’échappera pas aux règles les plus strictes du Digital Services Act européen. Vendredi, la Commission a en effet annoncé que la société chinoise de shopping à prix cassés, filiale du géant du e-commerce Pinduoduo, avait été désignée comme une “très grande plateforme” dans le cadre de cette nouvelle réglementation, officiellement entrée en vigueur l’été dernier. Un statut qui pourrait non seulement menacer sa croissance explosive en Europe, où elle vient de dépasser la barre des 75 millions d’utilisateurs actifs mensuels – largement au-delà du seuil de 45 millions fixé par Bruxelles. Mais qui pourrait aussi remettre en cause son modèle. Car l’écart entre ses pratiques et les obligations du DSA, déjà souligné par des associations de consommateurs, semble très important.

Dépenses publicitaires – Lancé à l’automne 2022 aux États-Unis, Temu a débarqué en Europe l’an passé. La société reprend le principe du cross-border: les produits, vendus par des marchands tiers, sont expédiés directement depuis des entrepôts chinois. Cela permet de limiter les coûts, mais se traduit également par des délais de livraison rallongés. Son succès repose sur trois piliers. D’abord, un immense catalogue de vêtements, bijoux, ustensiles de cuisine ou accessoires électroniques à petits prix. Ensuite, d’importantes dépenses publicitaires sur les applications mobiles, les plateformes de vidéos et les réseaux sociaux. Et enfin la gamification, qui a déjà fait ses preuves sur Pinduoduo en Chine: l’application propose des mini-jeux pour gagner des bons de réduction, notamment en invitant des amis à s’inscrire.

Dark patterns – Comme toutes les plateformes Internet, Temu est soumis, depuis février, aux règles les moins sévères du DSA, appelées les “obligations générales”. Des règles que le groupe chinois ne respecte pas, affirme le Bureau européen des unions de consommateurs, qui a saisi la Commission il y a deux semaines. Dix-sept associations nationales ont également porté plainte devant les régulateurs de leur pays. En France, UFC-Que Choisir reproche à Temu un manque de traçabilité des vendeurs, alors que le texte européen impose de communiquer leurs adresses et numéros de téléphone. Elle met aussi en avant l’utilisation de dark patterns, des interfaces trompeuses désormais interdites en Europe. Il s’agit par exemple de faux compteurs de temps ou de prétendus stocks limités pour créer un sentiment d’urgence chez les acheteurs.

Produits illégaux – La désignation comme “très grande plateforme” met Temu dans une situation encore plus complexe. Ce statut va en effet se traduire par de nouvelles obligations de protection des consommateurs. En particulier, la plateforme va devoir mettre en place des “mesures d’atténuation” pour limiter les risques de vente de contrefaçons, de produits dangereux ou qui ne respectent pas les normes européennes. Autant d’articles présents en nombre sur Temu, selon plusieurs études et articles de presse. L’entreprise va donc devoir créer des équipes de vérification. Un changement radical par rapport au laxisme actuel, qui menace de réduire drastiquement son offre. En cas d’infraction, elle risque une amende pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires mondial. Puis, une interdiction sur le continent en cas de récidive.

Pour aller plus loin:
– Alibaba change de stratégie pour accélérer en Europe
– Le DSA européen affronte son premier test d’envergure


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