Par , publié le 4 juin 2024

“Ce n’est pas une gomme magique, mais une gomme tragique”, soupire Nicolas Rieul, le directeur d’Alliance Digitale. Dans son viseur: une nouvelle fonctionnalité qui permettra “d’effacer” des parties d’un site Web sur Safari, le navigateur d’Apple qui occupe une position hégémonique sur les iPhone. Et donc potentiellement de supprimer les espaces publicitaires. La semaine dernière, l’organisation regroupant les professionnels français de la publicité a envoyé une lettre à Tim Cook, le patron du groupe à la pomme. Un courrier cosigné par les principaux représentants des médias, qui s’inquiètent de voir disparaître une partie importante de leur chiffre d’affaires. En France, Safari représente en effet plus de 25% du trafic Internet mobile, selon les estimations du cabinet Statcounter.

Publicité intrusive – Selon les informations du site spécialisé Apple Insider, la gomme de Safari sera intégrée à la prochaine version d’iOS, le système d’exploitation équipant les iPhone. Elle doit ainsi être dévoilée la semaine prochaine dans le cadre de la WWDC, la conférence de la société dédiée aux développeurs. Nul doute qu’elle sera présentée comme un nouvel outil pour lutter contre la publicité intrusive, qui peut nuire à la navigation, en particulier sur un smartphone. “C’était un vrai sujet il y a quelques années, mais ce ne l’est plus pour la grande majorité des médias”, répond Nicolas Rieul. Concrètement, les utilisateurs auront la possibilité de masquer certains éléments, comme des bannières publicitaires ou des images. Leurs préférences seront alors mémorisées et s’appliqueront lors de leurs visites suivantes.

Premiere étape ? – Pour les médias, cette fonctionnalité reviendrait à installer un bloqueur de publicités sur l’ensemble des iPhone. Or, ces logiciels, déjà populaires sur les ordinateurs, restent encore peu développés sur les smartphones, où est réalisée une part croissante du trafic Internet. En outre, il pourrait être difficile pour les éditeurs de mettre en place des systèmes permettant de contourner la gomme de Safari, comme ils le font aujourd’hui en empêchant la consultation de leur site Internet lorsqu’un ad block est activé. Autre inquiétude: cette nouvelle fonctionnalité ne pourrait être qu’une première étape, avant d’être élargie aux applications mobiles. Les médias n’ont pas oublié l’intransigeance d’Apple, qui a modifié les règles sur le pistage publicitaire sur iOS, malgré l’impact sur leurs recettes.

Google aussi concerné ? – Face à Apple, Alliance Digitale n’exclut pas de saisir l’Autorité de la concurrence. L’association souligne que le groupe de Cupertino est aussi un acteur de la publicité sur le système iOS. Et qu’il pourrait donc bénéficier de cette nouvelle fonctionnalité, en poussant les annonceurs à acheter davantage de publicités sur l’App Store, sa boutique d’applications. À ce titre, il sera intéressant d’observer si la gomme permettra également d’effacer les liens sponsorisés sur Google, qui a versé 20 milliards de dollars en 2022 pour être le moteur par défaut de Safari. Pour Apple, l’obstacle le plus important pourrait cependant être au Royaume-Uni, où le gendarme antitrust bloque depuis des années la fin des cookies tiers sur Chrome, redoutant notamment que cette évolution ne favorise Google.

Pour aller plus loin:
– Bruxelles inflige une lourde amende à Apple
– Google repousse (encore) la fin des cookies tiers


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