C’est une double menace de démantèlement qui pèse désormais au-dessus de Google. Déjà condamné en septembre pour abus de position dominante dans la recherche en ligne, le moteur de recherche a subi la semaine dernière une deuxième défaite juridique majeure aux États-Unis. Poursuivi par le département de la Justice (DOJ), il a été reconnu coupable de monopole illégal sur le marché des technologies publicitaires, plus précisément sur ceux des serveurs et des plateformes d’enchères – il a en revanche été blanchi dans le domaine des outils d’achat. “Google s’est volontairement engagé dans une série de pratiques anticoncurrentielles pour acquérir et maintenir un pouvoir monopolistique”, souligne la juge chargée du dossier, six mois après le procès qui s’est tenu à l’automne. Ce verdict pourrait ouvrir la voie à une vente forcée de certaines activités.
Publicité programmatique – L’affaire tourne autour du rôle de Google dans la publicité programmatique, qui s’est imposée ces dernières années comme le modèle dominant sur Internet. Il s’agit d’un système d’enchères aussi complexe qu’opaque qui permet de placer automatiquement des annonces et bannières sur les sites Web, les vidéos et les applications mobiles. Le groupe de Mountain View y est omniprésent. Et contrôle les outils les plus populaires à chaque étape du processus: le serveur publicitaire DoubleClick utilisé par les éditeurs pour gérer leurs espaces publicitaires, les outils d’achat Google Ads et DV 360 utilisés par les annonceurs pour planifier leurs campagnes, et la bourse d’enchères en temps réel AdX. “Google opère simultanément comme vendeur et acheteur, et gère une plateforme d’enchères”, dénonçait le DOJ dans sa plainte.
Pouvoir monopolistique – Grâce à cette position dominante, l’entreprise a pu mettre en place des mesures anticoncurrentielles, lui permettant de capter une part plus grande du gâteau, estime la juge. Elle lui reproche notamment d’avoir lié son serveur publicitaire et sa plateforme d’échange, en particulier en leur réservant des échanges d’informations en temps réel. Cela a forcé les éditeurs à “utiliser un produit qu’ils n’auraient pas nécessairement utilisé autrement”, permettant ainsi à Google de “protéger son pouvoir monopolistique sur ces deux marchés”. Et de continuer à prélever des commissions plus importantes que la concurrence. Le groupe a aussi pu mettre en place des changements “contraires à l’intérêt des éditeurs”, sans craindre de perdre des parts de marché. Des pratiques qui sont “en fin de compte” préjudiciables pour les consommateurs.
Vente de DoubleClick et AdX ? – Cette machine bien huilée, bâtie grâce à plusieurs acquisitions, dont celle de DoubleClick en 2007 pour 3,1 milliards de dollars, a généré 31,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013. Google a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel de sa condamnation. En attendant l’issue de cette procédure, probablement dans plusieurs années, de prochaines audiences détermineront les remèdes qui devront être mis en place pour revigorer la concurrence. Le DOJ milite pour la vente forcée de DoubleClick et AdX. Un tel scénario bouleverserait le marché de la publicité en ligne. Avant le procès, le moteur de recherche avait lui proposé, selon le Wall Street Journal, de scinder ses activités publicitaires, les nichant dans plusieurs sociétés indépendantes contrôlées par Alphabet, sa maison mère.
Pour aller plus loin:
– Coupable d’abus de position dominante, Google risque un démantèlement
– L’Europe enquête sur le pacte secret entre Google et Facebook