Par , publié le 24 septembre 2023

En début d’année, toutes les planètes semblaient alignées pour une interdiction de TikTok aux États-Unis. Ou a minima pour imposer une vente à sa maison mère chinoise ByteDance. Pourtant, l’initiative parlementaire devant donner ce pouvoir à la Maison blanche est restée lettre morte, même si elle était soutenue des deux côtés de l’échiquier politique. Six mois plus tard, le mystère est désormais résolu. Selon le Wall Street Journal, c’est l’intervention en coulisses d’un milliardaire américain qui a sauvé la très populaire application de courtes vidéos. Son nom: Jeff Yass. Sa particularité: détenir 7% du capital du groupe chinois. Une participation qui se chiffre à plus de 20 milliards de dollars. Et qui aurait perdu beaucoup de valeur en cas d’interdiction ou de vente de TikTok aux États-Unis.

Double inquiétude – La pression autour de TikTok n’est pas nouvelle. En 2020, l’administration Trump avait déjà tenté de forcer une vente. L’élection de Joe Biden avait été suivie d’une accalmie, mais seulement temporairement. La plateforme, qui compte 150 millions d’adeptes aux États-Unis, suscite deux inquiétudes. D’abord, une collecte des données des utilisateurs par le gouvernement chinois. L’an passé, une enquête de BuzzFeed News avait montré que des employés de ByteDance avaient eu accès à des données américaines. Ensuite, de potentielles campagnes d’influence menées par Pékin grâce à l’algorithme de recommandations, par exemple pour influencer le résultat d’une élection. En début d’année, TikTok avait d’ailleurs reconnu disposer d’outils permettant de doper la visibilité de certaines vidéos.

Financement électoral – En mars, un projet de loi a été présenté au Congrès. Ce texte, qui ne mentionne pas directement TikTok, donne le droit au gouvernement d’interdire ou de forcer la vente de technologies étrangères jugées dangereuses pour la sécurité nationale. Ce texte devait mettre fin à un vide juridique qui a profité à TikTok en 2020. Ces efforts parlementaires ont culminé, deux semaines plus tard, avec l’audition de Shou Zi Chew, le patron singapourien de la société. Avant d’être bloqués par la réticence de plusieurs élus républicains, qui ont tous reçu, directement ou par l’intermédiaire d’un lobby conservateur, de l’argent de Jeff Yass pour financer leur campagne électorale. “Interdire TikTok est contraire à tout ce que je défends”, justifie le milliardaire, sans mentionner ses intérêts financiers.

Relance des négociations – Face à cette impasse, l’administration américaine vient de relancer les négociations avec TikTok sur le projet Texas, rapporte le Washington Post. Cette proposition, similaire au projet Clover en Europe, prévoit que les données des utilisateurs américains soient exclusivement hébergées aux États-Unis dans le cloud d’Oracle. Et que seuls des employés américains puissent avoir accès aux données sensibles. Washington aura aussi un droit de regard et de veto sur les embauches et sur les changements apportés à l’algorithme et à la politique de modération. Un accord préliminaire avait été trouvé l’an passé avec le puissant Comité sur les investissements étrangers. Mais le dossier, très politique, a buté sur les doutes émis par le département de la Justice et par le FBI.

Pour aller plus loin:
– TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Les interdictions de TikTok se multiplient en Europe


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité