Par , publié le 11 novembre 2020

Après Google et Apple, c’est au tour d’Amazon d’être poursuivi par Bruxelles. Mardi, la Commission européenne a officiellement lancé une procédure antitrust contre le géant américain du commerce en ligne, l’accusant de tirer profit des données qu’il récolte sur sa plate-forme auprès des vendeurs tiers. Attendue depuis plusieurs mois, cette procédure concrétise une enquête entamée il y a plus d’un an. Elle s’accompagne de l’ouverture de nouvelles investigations sur un possible traitement préférentiel accordé à certains vendeurs. La société risque une amende pouvant atteindre 10% de son chiffre d’affaires annuel.

Double casquette – La première accusation de Bruxelles repose sur le rôle double d’Amazon, à la fois détaillant et place de marché permettant à d’autres de vendre des produits sur son site. Cette marketplace a été au cœur de sa forte croissance et représente désormais environ 60% des ventes. Selon la Commission, la double casquette de la société lui permet de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles: en analysant la gigantesque quantité de données à sa disposition (chiffre de vente, prix, nombre de visites…), elle peut identifier les produits qui ont le plus de succès. Elle peut alors les commercialiser directement au bon prix, court-circuitant les vendeurs tiers et sans prendre le risque de stocker des articles qui ne trouveront pas preneurs.

Marques maison – A ce stade, la procédure de la Commission européenne ne mentionne en revanche pas un autre volet: l’utilisation des données pour copier et lancer des produits concurrents. En plus de sa gamme AmazonBasics, qui propose des piles, des serviettes de bain ou encore des services de table, l’e-marchand a lancé ces dernières années plus d’une centaine de marques de vêtements, d’accessoires automobile ou de boissons. Autant de produits qui sont largement mis en avant dans les résultats de recherche. Exemples à l’appui, une enquête du Wall Street Journal assurait en avril que cette pratique était généralisée au sein de l’entreprise. Amazon avait répondu en lançant un audit, assurant que ses employés n’avaient pas respecté les règles internes.

“Boite d’achat” – La deuxième enquête ouverte par Bruxelles est centrée autour de la “boite d’achat”, le bouton jaune placé à droite qui permet d’acheter directement un produit. La Commission cherche à savoir comment est sélectionné le vendeur qui y apparaît – et qui s’accapare la très grande majorité des ventes car peu d’acheteurs consultent les offres des autres vendeurs. Plus particulièrement, elle souhaite déterminer si Amazon favorise les produits qu’elle commercialise directement ou ceux proposés par les marchands clients de ses services de logistique et de livraison (FBA, “expédié par Amazon” en français). Deux cas de figure qui représenteraient une entorse à la concurrence. Moins avancé, ce volet ne fait pas encore l’objet d’une procédure antitrust formelle.

Enquête aux Etats-Unis – Ces annonces interviennent quelques semaines avant la présentation attendue du Digital Services Act européen, une série de mesures pour lutter contre la domination des géants américains du numérique. Ce texte prévoit notamment de leur interdire d’utiliser les données qu’ils collectent pour leurs propres activités commerciales, à moins qu’ils ne les partagent avec leurs concurrents. Aux Etats-Unis, Amazon est aussi ciblé par la Federal Trade Commission, pour le même motif. Il est très probable que des poursuites judiciaires soient officiellement lancées avant la fin du mandat de Donald Trump, le 20 janvier. Des poursuites qui, c’est de tradition, ne devraient pas s’interrompre avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison blanche.

Pour aller plus loin:
– Élections américaines: les Gafa évitent le pire
– Comment l’Europe veut lutter contre la domination des Gafa


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