Par , publié le 16 décembre 2020

Après plusieurs mois de concertations, et une semaine de retard, la Commission européenne a présenté mardi ses projets de réglementation des géants du numérique. Baptisés Digital Services Act et le Digital Markets Act, ils doivent moderniser l’actuel cadre réglementaire, qui date de 2000. Respectivement en instaurant de nouvelles règles de régulation des contenus et de nouvelles obligations pour favoriser la concurrence. Ils prévoient aussi d’importantes sanctions: des amendes pouvant atteindre jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial, un démantèlement ou encore l’exclusion du marché unique.

Attaquer les “gatekeepers” – Des deux textes, c’est le Digital Markets Act qui devrait avoir l’impact le plus important. Celui-ci souhaite notamment attaquer de front les gatekeepers, ces puissants “portiers” qui contrôlent l’accès à des données, des plates-formes ou des terminaux. La Commission ne les nomme pas. Elle a simplement publié les critères qui seront pris en compte. Par exemple, un chiffre d’affaires supérieur à 6,5 milliards d’euros en Europe ou 45 millions d’utilisateurs sur le continent. Selon l’AFP, dix entreprises seraient concernées: les cinq Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), Snapchat, Alibaba, ByteDance (la maison mère de TikTok), Samsung et Booking, le seul groupe européen.

Règles spécifiques – Ces gatekeepers seront soumis à des règles spécifiques. Par exemple, ils ne pourront plus utiliser les données qu’ils collectent pour leurs propres activités commerciales, à moins qu’ils ne les partagent avec leurs concurrents. Une règle qui vise en particulier Amazon, soupçonné par les autorités antitrust européennes d’observer les vendeurs tiers de sa marketplace pour mieux les concurrencer. Ces entreprises ne devront plus accorder une place préférentielle à leurs services – une plainte récurrente des rivaux de Google. Elles ne pourront plus empêcher les utilisateurs d’effacer des applications pré-installées sur des smartphones. Et elles devront prévenir les autorités dès qu’elles rachètent une société, quelle que soit sa taille.

Changement de philosophie – Toutes ces règles ne sont encore que provisoires: elles doivent désormais être débattues par les pays membres et par le Parlement européen. Ce qui devrait donner lieu à un intense lobbying. Le texte ne devrait pas être adopté avant deux ans. Pour Bruxelles, l’enjeu est crucial: le Digital Markets Act représente un changement majeur de philosophie. Au lieu de réagir a posteriori aux entraves à la concurrence par l’intermédiaire d’enquêtes antitrust aussi longues que complexes – et qui débouchent sur des sanctions financières jugées peu efficaces par la Cour des comptes européenne –, la Commission veut désormais imposer des règles claires dès le départ pour empêcher ces pratiques.

Pour aller plus loin:
– L’Europe s’interroge sur l’efficacité des amendes infligées à Google
– En Chine aussi, les autorités veulent sévir contre les géants du numérique


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