Un sacré paradoxe pour Alibaba. Mercredi, alors même qu’il se félicitait des ventes record enregistrées lors de la journée des célibataires, le leader chinois du commerce en ligne a vu son action plonger de près de 10% à la Bourse de Hong Kong. Il a été rattrapé par l’annonce, la veille, de nouvelles mesures visant à contrecarrer la domination des géants chinois du numérique. Un tour de vis réglementaire qui reste, certes, encore à confirmer mais qui inquiète déjà les investisseurs. JD, le grand rival d’Alibaba, Tencent, le propriétaire de WeChat, le fabricant de smartphones Xiaomi ou encore le service de livraison de repas Meituan ont ainsi connu des chutes similaires.
Revirement des autorités – Longtemps, ces sociétés ont pourtant profité d’une attitude laxiste, voire bienveillante, des autorités chinoises. Rarement inquiétées malgré des pratiques agressives et protégées de la concurrence des géants américains, elles sont devenues de véritables mastodontes qui ne cessent de gagner de nouveaux pans de l’économie. C’est particulièrement vrai pour Alibaba et Tencent, deux groupes tentaculaires qui multiplient les activités et les prises de participation. Le revirement spectaculaire du gouvernement de Xi Jinping ouvre désormais une période d’incertitudes, qui fait craindre le pire. La semaine dernière, Pékin a suspendu l’entrée en Bourse record d’Ant Group, la filiale de paiement d’Alibaba.
Vente à perte – Le texte publié mardi par l’administration chinoise chargée de la régulation du marché tente de définir, pour la première fois dans le pays, ce qui constitue une pratique anti-concurrentielle sur le secteur des nouvelles technologies. L’éventail est très large. Cela va des clauses d’exclusivité, forçant un marchand ou un restaurateur à n’utiliser qu’une seule plate-forme, à la vente à perte pour éliminer les nouveaux entrants ou les rivaux les plus fragiles. Les autorités posent aussi la question de l’utilisation des données pour proposer des prix inférieurs aux nouveaux clients, ou encore des alliances entre duopoles. Le texte va être soumis aux commentaires publics jusqu’à la fin du mois. Les arbitrages finaux sont attendus l’année prochaine.
Cession d’activités – La question est désormais de savoir avec quel degré de sévérité va agir le régime chinois. Un simple rappel à l’ordre, accompagné d’amendes ? Ou alors des mesures beaucoup plus drastiques pour infliger une leçon à des hommes d’affaires devenus beaucoup trop puissants ? Dans son projet, l’administration de régulation du marché préconise notamment de contraindre les entreprises trop monopolistiques à se séparer de certaines activités ou à partager certaines technologies. Un tel scénario est aussi évoqué à Washington et à Bruxelles, qui s’inquiètent, eux, de la domination des Gafa. Mais il ne fait pas l’unanimité et semble peu probable. Pékin peut, lui, agir plus librement et plus fortement.
Pour aller plus loin:
– Amazon poursuivi par Bruxelles pour pratiques anti-concurrentielles
– L’introduction d’Ant Group suspendue par les autorités chinoises