Par , publié le 17 mars 2021

C’était la défaite judiciaire de trop pour Uber. Un mois après un jugement défavorable de la Cour suprême du Royaume-Uni, la plateforme américaine baisse pavillon. Mardi, elle a annoncé que ses 70.000 chauffeurs britanniques ne seront plus considérés comme des indépendants. Ils bénéficieront désormais du statut de “travailleur”, un statut hybride prévu par la législation britannique. Concrètement, cela signifie qu’ils auront le droit à un salaire minimum, des congés payés et un plan d’épargne-retraite. C’est une première mondiale pour Uber, qui a lutté pendant des années pour préserver son modèle.

“Tourner une page” – Dès son lancement en 2009 à San Francisco, Uber a opté pour le statut de travailleurs indépendants. Celui-ci permet de rémunérer les chauffeurs à la course, limitant ainsi les coûts. Pendant longtemps, l’entreprise a assuré que son modèle économique ne pouvait pas fonctionner autrement: salarier ses chauffeurs se traduirait par une hausse des dépenses qui menacerait sa capacité à devenir rentable. Cela provoquerait aussi, selon Uber, un manque de flexibilité, nécessaire au bon fonctionnement de son service. “Nous avons décidé de tourner une page”, justifie désormais Dara Khosrowshahi, le patron d’Uber, dans une tribune publiée dans l’Evening Standard.

Seulement au Royaume-Uni – Mi-février, la Cour suprême avait donné raison à 25 anciens chauffeurs, estimant qu’ils auraient dû bénéficier du statut de travailleur. Ce jugement aurait pu ouvrir la voie à de nombreux recours judiciaires. Au-delà, la décision historique d’Uber a été facilitée par le droit du travail britannique, qui lui offre un juste milieu entre le statut d’auto-entrepreneur et celui de salarié avec un contrat de travail. Autrement dit: il est peu probable que la société suive la même voie dans les autres pays. “Ce qui a du sens au Royaume-Uni n’en a pas forcément en Pologne, au Paraguay ou en Pennsylvanie”, affirme Dara Khosrowshahi.

“Troisième voie” – Uber n’a pas précisé quel serait l’impact financier de sa décision. Consciente qu’il devient de plus en plus difficile de préserver le statu quo, l’entreprise pourrait se servir de l’exemple britannique pour obtenir satisfaction ailleurs, en particulier aux Etats-Unis et en Europe. Face à un droit du travail qu’il juge archaïque, son patron milite en effet pour une “troisième voie”. Il propose un statut hybride, capable de réconcilier son modèle économique avec la nécessité de mieux protéger les chauffeurs. En Europe, Uber espère ainsi obtenir une directive européenne plus souple que certains projets de loi ou décisions judiciaires.

Pour aller plus loin:
– En Europe, la menace s’accentue sur l’Uber-économie
– Comment Uber a sauvé sa peau en Californie


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