Une véritable déroute, déjà qualifiée par certains de “pire introduction en Bourse de l’histoire à Londres”. Mercredi, l’action de Deliveroo a terminé sa première journée de cotation sur une chute de 26%. La plateforme britannique de livraison de repas, qui avait pourtant revu lundi ses ambitions à la baisse, a été plombée par les doutes persistants sur son modèle économique et par des conditions de marché moins favorables. À la clôture, sa capitalisation boursière s’élevait à 5,9 milliards de livres (6,9 milliards d’euros), soit 3 milliards de moins qu’espéré la semaine dernière.
Mauvais timing – Cet échec est d’abord celui d’un mauvais timing. Après avoir été plébiscitées par les investisseurs, les actions technologiques traversent une période plus difficile. Cela se traduit depuis quelques semaines par des introductions en Bourse décevantes, aussi bien à Londres qu’à New York et Hongkong. Deuxième handicap: le rejet par certains investisseurs britanniques de la structure à deux classes d’actions. Popularisée par Google et devenue la norme dans la Silicon Valley, celle-ci permet au patron Will Shu de conserver 57% des droits de vote pendant trois ans, alors qu’il ne possède plus que 6% du capital. Et ainsi de mener sa stratégie sans crainte d’être poussé vers la sortie.
Statut des livreurs – Au-delà, Deliveroo est surtout pénalisé par le statut de travailleurs indépendants de ses livreurs, remis en cause par les pouvoirs publics et par la justice. En Espagne, les livreurs de repas doivent désormais être salariés. Au Royaume-Uni, une récente décision de la Cour suprême menace de créer une jurisprudence défavorable. Et à Bruxelles, la Commission européenne étudie également cette question. Pour Deliveroo, tout changement représente une menace pour son modèle économique, en augmentant ses coûts et en limitant sa flexibilité. Alors même que la société n’est toujours pas rentable – elle a perdu 224 millions de livres (260 millions d’euros) l’an passé.
Mauvais signe pour la City – L’introduction en Bourse ratée de Deliveroo est également une très mauvaise nouvelle pour la Bourse de Londres. Le gouvernement britannique comptait en effet beaucoup sur cette opération pour attirer d’autres start-up européennes à la City. Après ce fiasco, les pépites du continent pourraient privilégier encore davantage Amsterdam, où se structure déjà le marché européen des SPAC, et surtout New York, où les investisseurs sont plus enclins à parier sur des entreprises technologiques encore déficitaires. En décembre, la plateforme américaine Doordash avait d’ailleurs terminé sa première journée de cotation sur un bond de 86%.
Pour aller plus loin:
– En Espagne, les livreurs de repas devront désormais être salariés
– Profitant du coronavirus, DoorDash capitalise à Wall Street