Par , publié le 28 mars 2022

On ne sait pas encore si le Digital Markets Act (DMA) permettra de favoriser la concurrence dans le numérique. Mais ce projet de législation est déjà une réussite politique. Alors que certains observateurs redoutaient des négociations impossibles, l’Union européenne a trouvé un compromis la semaine dernière. Le texte définitif doit être adopté au cours des prochains mois, avant d’entrer en vigueur probablement d’ici à la fin de l’année. Il vise à moderniser l’actuel cadre réglementaire, qui date de 2000, en instaurant de nouvelles obligations pour favoriser la concurrence. Il prévoit aussi d’importantes sanctions: des amendes pouvant atteindre jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial, un démantèlement ou encore l’exclusion du marché unique.

“Gatekeepers” – Le DMA souhaite attaquer de front les gatekeepers, ces puissants “portiers” qui contrôlent l’accès à des données, des plateformes ou des terminaux. Les institutions européennes ne les nomment pas directement. Elles ont simplement publié les critères qui seront pris en compte. D’une part, une valorisation boursière de 75 milliards d’euros ou un chiffre d’affaires supérieur à 7,5 milliards en Europe. D’autre part, 45 millions d’utilisateurs mensuels sur le continent ou 10.000 clients professionnels par an. Neuf entreprises pourraient ainsi être concernées: les cinq Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), Alibaba, ByteDance (la maison mère de TikTok), Samsung et Booking, le seul groupe européen.

Règles spécifiques – Ces gatekeepers seront soumis à des règles spécifiques, qui ne sont pas encore toutes connues. Le DMA va imposer l’interopérabilité des messageries, avec l’espoir de casser les effets de réseau qui figent les positions dominantes. Il va permettre aux possesseurs de smartphones d’utiliser d’autres boutiques d’applications que celles d’Apple et Google. Et aussi d’effacer les applications pré-installées et de choisir les applications par défaut. Le texte prévoit également que ces entreprises ne pourront plus collecter des données sans le consentement de leurs utilisateurs. Elles ne devront plus accorder une place préférentielle à leurs services. Et elles devront prévenir les autorités dès qu’elles rachèteront une société, quelle que soit sa taille.

Changement de philosophie – Toutes ces règles vont désormais devoir être précisées, notamment l’interopérabilité des messageries qui semble la plus complexe à mettre en œuvre. En attendant, l’accord européen représente une défaite pour les lobbys financés par les géants américains, incapables de créer des divisions entre les Vingt-Sept. Et donc une victoire majeure pour Bruxelles. Le Digital Markets Act représente un changement majeur de philosophie. Au lieu de réagir a posteriori aux entraves à la concurrence par l’intermédiaire d’enquêtes antitrust aussi longues que complexes – et qui débouchent sur des sanctions financières jugées peu efficaces –, l’Europe va désormais imposer des règles claires dès le départ pour empêcher ces pratiques.

Pour aller plus loin:
– L’Europe enquête sur le pacte secret entre Google et Facebook
– Face aux Gafa, les Etats-Unis veulent changer les règles du jeu


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