Par , publié le 19 avril 2022

C’était le premier procès pénal de l’Uber-économie en France. Et son verdict est sans appel. Mardi, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Deliveroo pour “travail dissimulé”, suivant intégralement les réquisitions de la procureure. La plateforme britannique de livraison de repas devra ainsi payer une amende de 375.000 euros – un montant certes minime mais qui représente le maximum prévu par la loi. Les deux anciens dirigeants de sa filiale française ont écopé d’un an de prison avec sursis, de cinq ans avec sursis d’interdiction de gérer une entreprise et de 30.000 euros d’amende. Deliveroo envisage de faire appel.

Travailleurs indépendants – Ce premier procès pénal portait sur le statut des livreurs. Comme l’immense majorité du secteur, la société a recours à des travailleurs indépendants, rémunérés à la tâche, sans aucune garantie de revenus ni avantages sociaux. Ce modèle présente un double intérêt: des coûts limités et une flexibilité de la main-d’œuvre pour s’adapter aux variations de la demande. À la barre, les avocats de Deliveroo ont repris les arguments classiques, assurant notamment que la plateforme ne joue qu’un rôle d’intermédiaire entre les acheteurs, les restaurateurs et les livreurs. Sans convaincre la juge, qui a dénoncé “une instrumentalisation et un détournement de la régulation du travail”.

Pas d’impact ? – Réagissant à sa condamnation, qualifiée “d’incompréhensible”, Deliveroo rappelle que le tribunal ne s’est prononcé que sur la période allant de 2015 à 2017. Et d’assurer ainsi que ce jugement n’aura pas d’impact sur son fonctionnement actuel. La société estime avoir mis en place des nouvelles pratiques, permettant notamment de limiter le lien de subordination de ses livreurs. Mais cette première défaite au pénal devrait certainement motiver de nouvelles procédures portant sur des périodes plus récentes. En attendant, Deliveroo devra indemniser la centaine de livreurs qui étaient parties civiles, leur versant rétroactivement des congés payés et un salaire minimum.

Directive européenne – La condamnation de Deliveroo s’inscrit dans un contexte particulièrement défavorable pour les entreprises du secteur. Un peu partout en Europe, la justice ou les gouvernements remettent en cause leur modèle. C’est notamment le cas au Royaume-Uni, où Uber a dû accorder un nouveau statut à ses chauffeurs. Ou en Espagne où les livreurs de repas doivent désormais être employés. Surtout, la Commission européenne a dévoilé en décembre un projet de directive, proposant en particulier de salarier les travailleurs indépendants. Son coût est estimé à 4,5 milliards pour Uber, Deliveroo et leurs rivales, qui poursuivent leur lobbying à Bruxelles pour éviter le pire.

Pour aller plus loin:
– Bruxelles remet en cause le modèle de l’Uber-économie
– Au Royaume-Uni, Uber capitule devant ses chauffeurs


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