C’est peut-être un premier domino qui vient de tomber dans le secteur de la livraison ultrarapide de courses, rattrapé après plusieurs mois d’euphorie par la réalité économique. Mardi, Gorillas a officialisé un important plan social concernant 300 salariés, soit environ la moitié de ses employés de bureau. Cette annonce intervient neuf mois à peine une méga-levée de fonds d’un milliard de dollars. Mais la start-up allemande a déjà utilisé la majeure partie de cette somme pour financer son développement en Europe et aux Etats-Unis. Et elle n’a pas réussi à mener un nouveau tour de table, l’obligeant donc à réduire ses dépenses pour se donner davantage de temps.
Trésorerie – Comme ses rivales, Gorillas a profité de la crise sanitaire pour attirer les investisseurs, convaincus de la pertinence du modèle de livraison depuis de petits entrepôts urbains. Sur un marché très concurrentiel, sans grande barrière technologique, la start-up a beaucoup dépensé pour se lancer dans de nombreuses villes. Et pour gagner des parts de marché, en multipliant les campagnes marketing et les promotions. Selon Techcrunch, sa trésorerie ne s’élèverait plus qu’à 300 millions de dollars, assez pour financer seulement quatre à six mois de pertes au rythme actuel. Réduire les dépenses est donc indispensable. En plus des licenciements, Gorillas pourrait aussi abandonner plusieurs pays, dont l’Italie et l’Espagne, pour consacrer tous ses efforts sur ses cinq principaux marchés.
Modèle économique – Pour s’adapter au nouvel environnement, Gorillas change de stratégie: finie la croissance effrénée, l’accent est désormais mis sur la “rentabilité à long terme”, explique Kagan Sumer, son patron. Mais la route vers les profits reste longue et incertaine. Pour y parvenir, l’équation est complexe car la distribution alimentaire génère des marges très faibles. Si ces nouvelles plateformes ne possèdent pas de points de vente, elles doivent rémunérer leurs livreurs. Un coût qui n’est pas intégralement compensé par des frais de livraison peu élevés. Ce coût est d’autant plus important que la majorité d’entre elles ont fait le choix, pour des raisons d’image notamment, de ne pas reprendre le modèle de travailleurs indépendants popularisé par Uber.
Un ou deux survivants ? – La concurrence intense entre de nombreux services et la volatilité des consommateurs, qui passent d’une application à l’autre, n’ont fait qu’accentuer les difficultés. Ce problème est cependant en passe de se résoudre car le secteur se consolide autour de quatre acteurs majeurs, qui ont tous levé plus d’un milliard de dollars: les allemands Gorillas et Flink, qui vient de racheter le français Cajoo, le turc Getir et l’américain Gopuff. Entamée depuis plusieurs mois, cette phase de consolidation pourrait encore s’accélérer, alors que les levées de fonds vont se faire plus rares. À terme, les petits services devraient être avalés ou disparaître. Kagan Sumer va encore plus loin. “D’ici un an, il ne restera plus qu’un ou deux acteurs”, prédit-il.
Pour aller plus loin:
– La start-up française de livraison Cajoo rachetée par Flink
– Le secteur tech touché par une vague de plans sociaux