Par , publié le 30 mai 2022

Le retour sur terre est aussi brutal que l’ascension avait été spectaculaire. En fin de semaine dernière, Getir a annoncé la suppression de 4.500 emplois, soit 14% de ses effectifs. Il y a deux mois pourtant, la plateforme turque de livraison ultrarapide de courses avait levé 768 millions de dollars. Et porté sa valorisation à près de 12 milliards. Une autre époque déjà: après des mois d’euphorie, le secteur est en effet rattrapé par la réalité économique. Les plans sociaux se multiplient. L’allemande Gorillas va se séparer de 300 employés dans ses bureaux et la britannique Zapp de 200 à 300, sans compter les livreurs et les préparateurs de commandes. Le géant américain GoPuff prépare aussi des centaines de licenciements.

Pertes colossales – Comme Getir, ces autres acteurs n’ont eu aucun mal à lever des sommes très importantes. Après la crise sanitaire, les fonds de capital-risque ont fait le pari que les habitudes des consommateurs allaient être durablement modifiées. Le potentiel leur semblait immense: l’alimentaire est un marché gigantesque, où la part des ventes en ligne reste très faible. De quoi justifier des investissements massifs… et des pertes colossales. Les milliards de dollars levés depuis deux ans ont ainsi été engloutis dans une course effrénée à la croissance. Une stratégie qui a volé en éclats avec le resserrement des politiques monétaires. Les spécialistes de la livraison ultrarapide peinent désormais à lever des fonds. Et doivent réduire leurs dépenses pour se donner davantage de temps.

Marges très faibles – Les difficultés du secteur pourraient cependant ne pas être que passagères. Car l’euphorie des investisseurs reposait en réalité sur une illusion. Dès le départ, le modèle économique de ces plateformes était fragile. La distribution alimentaire génère en effet des marges très faibles. Certes, ces plateformes ne possèdent pas de magasins, leur préférant de petits entrepôts urbains. Mais elles doivent rémunérer des livreurs, qu’elles ont majoritairement choisi, pour des raisons d’image notamment, de salarier. Le coût de la livraison pèse d’autant plus sur les marges que le panier moyen n’est pas très élevé. En raison d’un inventaire peu fourni, ces services remplacent en effet davantage les épiceries de quartier que les grandes surfaces.

Forte concurrence – Les limites du modèle économique ont été aggravées par les faibles barrières technologiques à l’entrée. L’an passé, près d’une dizaine d’acteurs étaient ainsi actifs à Paris. Une concurrence de tous les instants qui a poussé les start-up du secteur à essayer d’aller le plus vite possible pour déployer leur offre dans de nouvelles villes. À chaque fois, elles ont dépensé sans compter en marketing. Elles ont aussi proposé de multiples promotions, alors que leurs clients basculaient facilement d’une application à l’autre. Depuis plusieurs mois, le marché est cependant entré dans une phase de consolidation, les petits acteurs se faisant avaler par plus gros. Cela devrait à terme permettre de réduire la compétition. Et d’envisager la rentabilité ?

Pour aller plus loin:
– La start-up française de livraison Cajoo rachetée par Flink
– Le secteur tech touché par une vague de plans sociaux


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