Par , publié le 5 octobre 2022

C’est une protection juridique jugée primordiale par les plateformes Internet, mais qui est de plus en plus menacée. Mardi, la Cour suprême des États-Unis a accepté d’étudier une affaire opposant YouTube à la famille d’une jeune américaine, tuée lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Celle-ci reproche à la filiale de Google d’avoir favorisé, par l’intermédiaire de son système de recommandation, la diffusion de vidéos faisant l’apologie du terrorisme. YouTube estime être protégé par l’immunité que lui procure une loi sur les communications votée en 1996, connue sous le nom de section 230. Une immunité désormais très controversée.

Algorithmes de recommandation – La section 230 a joué un rôle central dans le développement d’Internet, et plus particulièrement des réseaux sociaux et des plateformes vidéo. Elle garantit une protection juridique presque totale à Facebook, YouTube et tous les autres pour les contenus publiés par leurs utilisateurs. Autrement dit, ces services ne peuvent pas être attaqués en justice pour des propos ou des vidéos d’un utilisateur. Ni pour avoir choisi de les supprimer ou, au contraire, de ne pas les retirer. En première instance et en appel, la justice américaine avait donné raison à YouTube, estimant que cette immunité s’applique également aux algorithmes de recommandation.

Répercussions majeures – La partie pourrait cependant être plus compliquée devant la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays. Clarence Thomas, l’un des juges de la majorité conservatrice, s’est déjà exprimé à plusieurs reprises en faveur d’une limitation de la protection des plateformes, l’estimant beaucoup plus large que l’esprit de la loi, entrée en vigueur aux débuts d’Internet. La Cour suprême pourrait ainsi décider d’exclure les algorithmes de recommandation du champ d’application de la section 230. Cela aurait des répercussions majeures sur l’immense majorité des réseaux sociaux, qui utilisent ces algorithmes pour renforcer l’engagement de leurs utilisateurs. Et ouvrirait certainement la voie à d’autres procédures judiciaires.

Politique de modération – Défendue par les géants d’Internet, la section 230 fait quasiment l’unanimité contre elle au sein de la classe politique américaine. Un projet de loi avait d’ailleurs été présenté en 2020 par l’administration Trump, visant notamment à lever certaines protections si un site facilite des activités criminelles. Ou s’il ne retire pas des contenus illégaux ou criminels dès qu’il en a été averti. Mais ce texte avait échoué. Car les deux camps politiques s’opposent sur la politique de modération. Les républicains souhaitent en effet interdire aux plateformes de “censurer” certains contenus, quand les démocrates veulent au contraire renforcer les obligations de modération.

Pour aller plus loin:
– La lanceuse d’alerte Frances Haugen exhorte l’Europe à agir
– L’Allemagne menace d’interdire Telegram


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