Par , publié le 20 novembre 2022

Elle devait être la “prochaine Steve Jobs”. Elle restera au centre de l’un des plus gros scandales de la Silicon Valley. Vendredi, Elizabeth Holmes, la fondatrice de la défunte start-up Theranos, a été condamnée à 11 ans et trois mois de prison. Elle était accusée d’avoir trompé ses investisseurs, en mentant sur les capacités de sa technologie de tests sanguins et en falsifiant les comptes. Elizabeth Holmes, qui risquait une peine maximale de 20 ans, devrait faire appel de sa condamnation. Son procès, conclu en début d’année, avait aussi été celui de la Silicon Valley. De ses excès, de son manque de surveillance, de la confiance aveugle accordée aux entrepreneurs. Et de la culture, parfois célébrée, du “fake it until you make it”, qui consiste à promettre bien plus qu’il ne peut être aujourd’hui réalisé.

Quelques gouttes – L’histoire était pourtant belle, trop belle peut-être. Elizabeth Holmes a fondé Theranos en 2003, à seulement 19 ans. Sa promesse est alors révolutionnaire: réaliser des analyses de sang avec seulement quelques gouttes, soit entre cent et mille fois moins que la quantité actuellement nécessaire. La société avait développé sa propre méthode de prélèvement, sans aiguille, et sa propre machine d’analyse. Elle proposait plus de 200 examens, à des prix bien inférieurs aux laboratoires traditionnels. Le marché est prometteur. Et les investisseurs affluent rapidement. En 2014, la start-up est valorisée à 9 milliards de dollars. Sur le papier, sa fondatrice devient ainsi la plus jeune milliardaire non héritière du monde. Elle s’affiche aux côtés de personnalités. Et fait la Une des magazines.

Comptes falsifiés – Mais Theranos n’est en réalité qu’un château de cartes, qui commence à s’effondrer fin 2015 après la publication d’une enquête dévastatrice dans le Wall Street Journal. L’instruction menée ensuite par les autorités américaines sera encore plus accablante. Les dirigeants de la start-up ont multiplié les mensonges sur les capacités de sa technologie, n’hésitant pas à organiser de fausses démonstrations avec des prototypes non opérationnels. Ils ont rédigé de faux rapports attribués à de grands laboratoires pharmaceutiques. Ils ont prétendu que les machines étaient utilisées par l’armée américaine. Et falsifié les performances financières, assurant que le chiffre d’affaires s’était élevé à 100 millions de dollars en 2014, quand il n’avait été en réalité que de 100.000 dollars.

Une leçon déjà oubliée ? – Si l’affaire Theranos est hors norme par ses montants, son ampleur et l’emballement médiatique, elle n’est cependant pas un cas isolé. Dans la Silicon Valley, et ailleurs désormais, les investisseurs, et parfois la presse, vénèrent la “vision” des fondateurs de start-up, qui ont forcément raison avant tout le monde. Et les fonds de capital-risque se battent pour ne pas rater la prochaine success story. Les scandales – des chiffres maquillés, des technologies survendues ou simplement une mauvaise gestion – sont ainsi vite oubliés. En 2018, la Securities & Exchange Commission espérait que Theranos représenterait une “leçon importante”. Depuis, Moviepass, Nikola ou encore, plus récemment, FTX ont prouvé que celle-ci n’a pas été retenue.

Pour aller plus loin:
– Le fondateur de Nikola condamné pour fraude
– MoviePass, qui se rêvait en “Neflix du cinéma”, accusée de fraude


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