La menace reste lointaine, mais elle commence à se rapprocher dangereusement de Google. Mardi, le département américain de la justice (DOJ) a déposé une plainte contre le moteur de recherche, l’accusant d’abus de position dominante sur le marché de la publicité en ligne. Et réclamant le démantèlement de sa surpuissante machine publicitaire. “Pendant quinze ans, Google a utilisé des pratiques anticoncurrentielles pour limiter l’émergence de technologies rivales, manipuler le processus d’enchères et forcer les annonceurs et les éditeurs à utiliser ses outils”, assure Merrick Garland, le procureur général des États-Unis. La bataille judiciaire s’annonce cependant très longue: la première plainte déposée en 2020 contre la société ne doit être jugée que cette année… avant de probables appels.
Publicité programmatique – La plainte du DOJ porte sur le rôle de Google dans la publicité programmatique, qui s’est imposée ces dernières années comme le modèle dominant sur Internet. Il s’agit d’un système d’enchères aussi complexe qu’opaque qui permet de placer automatiquement des annonces et bannières sur les sites partenaires. Non seulement, le géant américain est le premier acteur de ce gigantesque marché, avec la plateforme Adsense. Mais il possède aussi les outils les plus utilisés à toutes les étapes du processus. “Google opère simultanément comme vendeur et acheteur, et gère une plateforme d’enchères”, dénonce le DOJ. En 2021, cette activité d’intermédiaire lui a permis de générer 32 milliards de dollars (29 milliards d’euros) de chiffre d’affaires.
Position centrale – La société a bâti cette machine grâce à plusieurs acquisitions, en particulier celle de la régie DoubleClick. Sa position centrale lui permettrait désormais de capter une part plus grande du gâteau au détriment de ses concurrents. Et au détriment des annonceurs et des éditeurs, contraints de laisser filer 30% des dépenses publicitaires. “Des documents internes montrent que Google gagnerait beaucoup moins sur un marché compétitif”, assure le DOJ. L’an passé, l’Autorité française de la concurrence avait mis en lumière des “pratiques très graves”, comme des échanges d’informations en temps réel entre ses différents outils, afin d’ajuster leurs offres et ainsi battre leurs concurrents. Dans sa plainte, le DOJ cite des pratiques similaires visant à éliminer une plateforme d’enchères rivale.
Pacte secret – Pour y remédier, les autorités américaines veulent forcer Google à revendre son serveur publicitaire DoubleClick et sa plateforme d’enchères AdX. Un tel scénario bouleverserait le marché de la publicité en ligne. Pour l’éviter, le moteur de recherche aurait proposé, selon le Wall Street Journal, de scinder ses activités publicitaires, les nichant dans plusieurs sociétés indépendantes et contrôlées par Alphabet, sa maison mère. Une offre rejetée par le DOJ, qui a préféré porter l’affaire devant la justice américaine. La position de Google sur le marché publicitaire est aussi au cœur d’une autre procédure judiciaire, lancée par l’État du Texas. Et d’une enquête de la Commission européenne, portant notamment sur un pacte secret conclu en 2018 avec Facebook.
Pour aller plus loin:
– L’Europe enquête sur le pacte secret entre Google et Facebook
– L’Europe s’interroge sur l’efficacité des amendes infligées à Google