Par , publié le 20 février 2023

C’est une protection juridique jugée primordiale par les plateformes Internet, mais qui est de plus en plus menacée. La Cour suprême des États-Unis étudie ce mardi une affaire opposant YouTube à la famille d’une jeune américaine, tuée lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Celle-ci lui reproche d’avoir favorisé, par l’intermédiaire de son système de recommandation, la diffusion de vidéos faisant l’apologie du terrorisme. YouTube estime être protégé par l’immunité que lui procure une loi sur les communications votée en 1996, connue sous le nom de section 230. Une défaite devant la Cour suprême ouvrirait la voie à un “champ de mines judiciaire”, prévient la filiale de Google. Le verdict est attendu avant l’été.

Algorithmes de recommandation – La section 230 a joué un rôle central dans le développement d’Internet, et plus particulièrement des réseaux sociaux et des plateformes vidéo. Elle garantit une protection juridique presque totale à Facebook, YouTube et tous les autres pour les contenus publiés par leurs utilisateurs. Autrement dit, ces services ne peuvent pas être attaqués en justice pour des propos ou des vidéos d’un utilisateur. Ni pour avoir choisi de les supprimer ou, au contraire, de ne pas les retirer. La famille qui poursuit YouTube estime cependant que cette immunité ne s’applique pas aux algorithmes de recommandation, qui sont conçus par les sociétés Internet. En première instance et en appel, la justice américaine n’avait pas suivi cette interprétation de la loi.

Répercussions majeures – Pour YouTube, la partie pourrait cependant être plus compliquée devant la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays. Clarence Thomas, l’un des juges de la majorité conservatrice, s’est déjà exprimé à plusieurs reprises en faveur d’une limitation de la protection des plateformes, l’estimant beaucoup plus large que l’esprit de la loi, entrée en vigueur aux débuts d’Internet. La Cour suprême pourrait ainsi décider d’exclure les algorithmes de recommandation du champ d’application de la section 230. Cela aurait des répercussions majeures sur l’immense majorité des réseaux sociaux, qui utilisent ces algorithmes pour renforcer l’engagement de leurs utilisateurs. Et ouvrirait certainement la voie à d’autres procédures judiciaires.

Politique de modération – Même en cas de décision favorable de la Cour suprême, la section 230 restera menacée. Défendue par les géants d’Internet, elle fait quasiment l’unanimité contre elle au sein de la classe politique américaine. L’administration Biden s’est d’ailleurs prononcée pour une exclusion des algorithmes. En 2020, un projet de loi avait aussi été présenté par l’administration Trump, visant notamment à lever certaines protections si un site facilite des activités criminelles. Mais ce texte avait échoué. Car les deux camps politiques s’opposent toujours sur la politique de modération. Les républicains souhaitent en effet interdire aux plateformes de “censurer” certains contenus, quand les démocrates veulent au contraire renforcer les obligations de modération.

Pour aller plus loin:
– La lanceuse d’alerte Frances Haugen exhorte l’Europe à agir
– L’Allemagne menace d’interdire Telegram


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