En 2019, Charlie Javice était mise à l’honneur dans Forbes, parmi les 30 personnalités de moins de 30 ans à suivre dans la finance. Mardi, moins de quatre ans plus tard, la fondatrice de la start-up Frank, rachetée en septembre 2021 par la grande banque américaine JPMorgan Chase pour 175 millions de dollars, a été inculpée pour fraude. Le département de la Justice et la Securities & Exchange Commission (SEC), le gendarme financier, l’accuse d’avoir créé de toutes pièces une fausse liste de clients, lui permettant de faire gonfler artificiellement le prix de vente. La jeune entrepreneuse, qui possède aussi la nationalité française, risque très gros. Elle fait face à quatre chefs d’accusation, dont trois sont passibles chacun d’une peine maximale de 30 ans de prison.
4,25 millions de contacts – Lancée en 2017, Frank promettait de simplifier les démarches administratives des étudiants pour pouvoir bénéficier des aides financières de l’État américain. Un processus aussi fastidieux que complexe, que la société assurait pouvoir réaliser en seulement sept minutes. En 2021, en pleine euphorie autour des start-up, deux banques approchent ses dirigeants pour un rachat. Au cours des négociations, Charlie Javice assure alors posséder les adresses e-mails et les numéros de téléphone de 4,25 millions d’étudiants ou de jeunes actifs. Une mine d’or sur laquelle JPMorgan souhaite mettre la main pour renforcer ses positions sur ce segment. Mais une fois le rachat entériné, la banque constate rapidement des anomalies, lance une enquête interne et découvre la supercherie.
Clients fictifs – Dans son acte d’accusation, le département de la Justice affirme que Frank comptait en réalité moins de 300.000 clients. Selon les autorités, la fraude s’est déroulée en deux temps. D’abord, Charlie Javice a versé 18.000 dollars à un data scientist pour créer une liste contenant 4,25 millions de personnes fictives. Celle-ci était destinée à l’auditeur chargé par JPMorgan de vérifier les chiffres avancés par la start-up, sans se soucier cependant de savoir si les contacts étaient authentiques. Dans un second temps, la dirigeante a acheté deux bases de données de vrais étudiants américains – mais de faux utilisateurs de Frank -, pour un coût total de 180.000 dollars. C’est cette liste qui a été transmise aux équipes de JPMorgan, qui se sont ensuite rendu compte qu’une majorité des e-mails n’étaient plus actifs.
40 millions de dollars – Selon le département de la Justice, la vente de Frank aurait pu permettre à Charlie Javice de toucher plus de 40 millions de dollars. En novembre, elle a été licenciée par JPMorgan, où elle avait pris un poste à responsabilité. Trois mois plus tard, Frank a été fermé. L’entrepreneuse, défendue par Alex Spiro, l’avocat vedette d’Elon Musk, rejette toutes les accusations. Fin février, répondant à une action en justice lancée par JPMorgan, elle assurait qu’il était “invraisemblable” que la banque ait pu croire que Frank avait aidé plus de 4 millions d’étudiants, ce qu’elle assure n’avoir jamais prétendu. Et se demandait comment une institution comme JPMorgan aurait pu ne pas détecter une telle fraude avant de finaliser le rachat. Les éléments contenus dans l’acte d’accusation semblent cependant accablants.
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