Par , publié le 12 avril 2023

Face à la montée de l’intelligence artificielle générative, Pékin rappelle les règles du jeu. Mardi, la très puissante administration du cyberespace chinois (CAC) a dévoilé un projet préliminaire de réglementation pour encadrer ces nouveaux services, capables de créer des textes, des photos et des vidéos. Le texte introduit notamment une “inspection de sécurité” avant leur lancement grand public. Plusieurs conditions devront être remplies pour obtenir le feu vert du régulateur: respecter la propriété intellectuelle, instaurer des garde-fous pour empêcher les discriminations lors de l’entraînement des modèles de langage, et surtout “préserver les valeurs socialistes fondamentales” et ne pas alimenter la “subversion” du régime. Autrement dit: se soumettre à la censure.

Alibaba réplique à Baidu – L’intervention de la CAC intervient en pleine euphorie autour de l’intelligence artificielle générative. Comme leurs homologues américains, les géants technologiques chinois se pressent pour dévoiler des fonctionnalités intégrant cette technologie – avant même qu’elles ne soient véritablement prêtes. Le moteur de recherche Baidu a été le premier à dégainer, dévoilant début février son robot conversationnel Ernie. Mardi, Alibaba a répliqué en présentant son grand modèle de langage, baptisé “la vérité à partir de mille questions”, qu’il prévoit d’intégrer à l’ensemble de ses services dans “un futur proche”. SenseTime, le très controversé spécialiste de reconnaissance faciale, a fait de même lundi. Et plusieurs start-up se sont aussi lancées sur le secteur.

Sujets interdits – L’émergence de l’intelligence artificielle générative représente une menace pour le contrôle exercé par Pékin sur Internet. Sans surprise, ChatGPT n’est officiellement pas accessible dans le pays. En février, le gouvernement chinois avait également demandé à WeChat, l’application de messagerie de Tencent, de bloquer les mini-programmes qui permettaient d’accéder indirectement au robot conversationnel développé par la start-up OpenAI. Les sociétés chinoises, habituées aux restrictions et aux sujets interdits, ont pris les devants. Ernie, le chatbot de Baidu, ne répond ainsi pas aux questions portant sur le massacre de la place Tiananmen ou sur la répression de la minorité Ouïghours. Et il coupe rapidement court aux discussions sur le président Xi Jinping.

Défi – Respecter les règles de la censure chinoise devrait cependant représenter un véritable défi pour les intelligences artificielles génératives. Contrairement à une recherche sur Internet, il ne suffit pas de bloquer des liens ou des informations. Le contenu généré par ces services change en effet à chaque requête, en fonction de la formulation ou des relances des utilisateurs. Cela crée une grande part d’incertitude. D’autant plus que ces modèles de langage ne cherchent pas la meilleure réponse dans la gigantesque base de données qui les alimente. Ils la “prédisent”. C’est pour cela que les erreurs factuelles sont très nombreuses. Et que ces robots peuvent facilement être amenés à déraper. Dans son projet de réglementation, la CAC menace d’interdire les services qui ne corrigeront pas les réponses inappropriées.

Pour aller plus loin:
– OpenAI lance une nouvelle version de ChatGPT
Les investisseurs se ruent sur l’intelligence artificielle


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité