C’est le symbole de la nouvelle réalité que doivent affronter les start-up françaises. Lundi, Ÿnsect a officialisé une importante levée de fonds, d’un montant de 160 millions d’euros, un record cette année en France. Mais celle-ci s’accompagne, selon Les Échos, d’une valorisation en baisse et surtout d’un plan social. Le spécialiste de l’élevage de vers de farine, destinés à l’alimentation animale et humaine, va supprimer 73 emplois, soit un peu plus de 20% de ses effectifs: la moitié dans ses bureaux parisiens et l’autre moitié aux Pays-Bas en raison de la fermeture d’un site de production. La société veut désormais mettre l’accent sur la rentabilité. Elle va abandonner son activité historique, jugée peu rentable, et va opter pour un modèle de développement réclamant moins de fonds propres.
Scarabée Molitor – Lancé il y a douze ans, Ÿnsect élève deux types de larves de scarabée: son historique Molitor, rejoint en 2021 par le Buffalo, suite au rachat de son concurrent néerlandais Protifarm. L’élevage s’effectue dans de gigantesques fermes verticales, c’est-à-dire dans des bacs entreposés les uns au-dessus des autres. Les larves sont ensuite transformées en poudre ou en huile, qui peuvent servir de nourriture aux animaux de compagnie ou d’engrais. L’alimentation humaine est la prochaine frontière. La société promet autant de protéines que dans le bœuf, mais avec 40 fois moins d’émissions de CO2. Elle cherche d’abord à séduire les sportifs, soucieux de la qualité nutritionnelle de leur repas, et les personnes âgées prenant des compléments alimentaires protéinés.
10 à 15 fermes – En revanche, Ÿnsect va délaisser le marché de l’agriculture, qui était pourtant au cœur de son ambition initiale. À ses débuts, la société rêvait en effet d’accompagner, de manière durable, la hausse attendue de la consommation de viande et de poisson. Mais cette activité présente des marges trop faibles, expliquent désormais ses dirigeants. Dans leur quête de rentabilité, ils préfèrent donc privilégier d’autres débouchés. Par ailleurs, si la start-up n’abandonne pas ses ambitions à l’international, elle va désormais privilégier des coentreprises, à l’image de ses projets aux États-Unis et au Mexique, ou des contrats de licence de sa technologie. Une stratégie qui doit permettre de limiter les investissements. Ÿnsect table sur dix à quinze fermes ouvertes dans le monde d’ici à 2030.
180 millions de dollars – En attendant, le groupe va devoir accélérer les cadences de production sur son principal site de production, situé à Poulainville, près d’Amiens. Il possède deux autres usines, plus modestes, dans le Jura et dans le Nebraska. Ÿnsect revendique un carnet de commandes bien rempli, d’un montant total de 180 millions de dollars sur plusieurs années. Et même “un milliard de contrats en négociation dans le pipeline commercial”, explique son patron Antoine Hubert, interrogé par Les Échos. À titre de comparaison, sa grande rivale française InnovaFeed, spécialisée dans les larves de mouches, assure avoir franchi la barre du milliard d’euros de commandes. En 2021, Ÿnsect assurait viser 500 millions d’euros de chiffre d’affaires au bout de cinq ans, dont 10% pour l’alimentation humaine.
Pour aller plus loin:
– InnovaFeed lève 250 millions d’euros pour ses larves de mouche
– Avec Mosa Meat, la viande de synthèse se rapproche de nos assiettes