Par , publié le 21 mai 2023

Soulagement pour les plateformes Internet. Jeudi, la Cour suprême des États-Unis a décidé de ne pas remettre en cause la protection juridique que leur procure une loi sur les communications votée en 1996, connue sous le nom de section 230. La plus haute juridiction du pays avait été saisie par les familles de deux victimes d’attentats terroristes, à Paris en 2015 et à Istanbul en 2017. Elles reprochaient respectivement à YouTube et à Twitter d’avoir favorisé, notamment par l’intermédiaire de leur système de recommandation, la diffusion de contenus faisant l’apologie du terrorisme. Dans les deux affaires, les neuf juges ont cependant estimé, à l’unanimité, que les plaignants n’avaient pas démontré que les deux sociétés avaient joué un rôle dans les attaques.

Algorithmes de recommandation – La section 230 a joué un rôle central dans le développement d’Internet, et plus particulièrement des réseaux sociaux et des plateformes vidéo. Elle garantit une protection juridique presque totale à Facebook, YouTube et tous les autres pour les contenus publiés par leurs utilisateurs. Autrement dit, ces services ne peuvent pas être attaqués en justice pour des propos ou des vidéos d’un utilisateur. Ni pour avoir choisi de les supprimer ou, au contraire, de ne pas les retirer. La famille qui poursuivait YouTube estimait cependant que cette immunité ne s’applique pas aux algorithmes de recommandation, qui sont conçus par les sociétés Internet. En première instance et en appel, la justice américaine n’avait pas suivi cette interprétation de la loi.

Répercussions majeures – La partie s’annonçait plus serrée devant la Cour suprême. Notamment parce que Clarence Thomas, l’un des juges de la majorité conservatrice, s’était déjà exprimé à plusieurs reprises en faveur d’une limitation de la protection des plateformes, l’estimant beaucoup plus large que l’esprit de la loi, entrée en vigueur aux débuts d’Internet. YouTube et Twitter avaient reçu le soutien de nombreuses sociétés technologiques, qui redoutaient une possible exclusion des algorithmes de recommandation du champ d’application de la section 230. Cela aurait eu des répercussions majeures, exposant de nombreux services à des poursuites judiciaires. Et les forçant à revoir en profondeur leur fonctionnement, avec le risque de réduire l’engagement de leurs utilisateurs.

Politique de modération – Cette décision favorable de la Cour suprême ne signifie pas pour autant que la section 230 n’est plus menacée. Défendue par les géants d’Internet, elle fait quasiment l’unanimité contre elle au sein de la classe politique américaine. L’administration Biden s’est d’ailleurs prononcée pour une exclusion des algorithmes. En 2020, un projet de loi avait aussi été présenté par l’administration Trump, visant notamment à lever certaines protections si un site facilite des activités criminelles. Mais ce texte avait échoué. Car les deux camps politiques s’opposent toujours sur la politique de modération. Les républicains souhaitent en effet interdire aux plateformes de “censurer” certains contenus, quand les démocrates veulent au contraire renforcer les obligations de modération.

Pour aller plus loin:
– La lanceuse d’alerte Frances Haugen exhorte l’Europe à agir
– L’Allemagne menace d’interdire Telegram


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