Par , publié le 6 juin 2023

Engagés dans une intense bataille de lobbying à Bruxelles, les géants américains du numérique touchent au but. Selon l’agence Reuters, la majorité des gouvernements des Vingt-Sept s’opposent en effet au projet de “contribution juste”, qui serait imposée aux grands consommateurs de bande passante, en particulier Netflix et YouTube, pour financer le déploiement et l’entretien des réseaux Internet, comme la fibre optique et la 5G. Défendue par les opérateurs télécoms, l’idée n’est pas nouvelle. Elle est soutenue par la Commission européenne, notamment par Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur, mais aussi par les gouvernements français, espagnol et italien. L’Allemagne, l’Irlande ou encore les Pays-Bas font, en revanche, partie des opposants.

Bande passante – Pour justifier leur demande, les géants des télécoms mettent en avant les importants investissements qu’ils réalisent dans les infrastructures: 50 milliards d’euros par an. Cette somme sert notamment à accompagner l’explosion du trafic, en raison principalement du développement des plateformes vidéo. Les groupes américains y contribuent grandement. En France, Netflix, Google, qui détient YouTube, Facebook et Amazon consomment plus de 40% de la bande passante, selon les données publiées par l’Arcep. Pour les opérateurs, cette situation n’est plus “viable”. Et elle menace les objectifs européens de connectivité de la population. “Les plus gros générateurs de trafic doivent verser une contribution juste aux coûts qu’ils font supporter aux réseaux”, expliquent-ils.

Neutralité du net – En face, les groupes Internet mettent en avant les risques de remise en cause de la neutralité du net, un principe fondateur du web qui assure une égalité de traitement entre tous les acteurs. Et qui est inscrit dans la législation européenne. Ils soulignent également qu’ils investissent, eux aussi, massivement dans l’infrastructure réseau en Europe, par l’intermédiaire de câbles sous-marins ou de réseaux de diffusion de contenu (CDN). Ils mettent aussi en garde contre les conséquences d’une telle initiative sur les consommateurs et les entreprises, qui paient déjà un abonnement pour accéder à Internet. Une compensation financière pourrait en effet être répercutée sur le prix des abonnements à des services vidéo ou sur ceux des plateformes de cloud.

Pas qu’en Europe – Cette bataille de gros sous, pour préserver les profits des uns ou doper ceux des autres, n’existe pas seulement en Europe. Aux États-Unis, les câblo-opérateurs avaient obtenu l’abandon de la neutralité du net en 2018, avant que celle-ci ne soit rétablie il y a deux ans. En Corée du Sud, Netflix est engagé dans un conflit judiciaire avec un fournisseur d’accès à Internet. Réunis autour d’Orange, Deutsche Telekom et Vodafone, les grands opérateurs européens ont profité d’un contexte peu favorable aux géants américains du numérique, accusés notamment de profiter de leur position dominante pour accumuler les profits. Ils ont ainsi trouvé des oreilles attentives à Bruxelles, qui a lancé en février une consultation publique qui vient de prendre fin. Le projet n’est pas encore définitivement enterré. Mais il pourrait l’être avant l’été.

Pour aller plus loin:
– Les smartphones 5G décollent… mais pas les abonnements
– La justice européenne encadre la pratique du “zero rating”


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