Par , publié le 9 novembre 2023

C’est une histoire de bulles bleues et de bulles vertes. Mais aussi bien plus que cela. Ces dernières semaines, iMessage est au coeur d’une intense bataille de lobbying auprès de la Commission européenne, qui doit décider si l’application de messagerie d’Apple, qui remplace par défaut les SMS sur tous ses smartphones, doit être soumise au Digital Markets Act, la nouvelle réglementation communautaire qui vise à renforcer la concurrence dans le secteur du numérique. Un scénario que souhaite à tout prix éviter le groupe à la pomme, car cela l’obligerait à rendre son service interopérable avec ses rivaux. Et surtout avec le système Android de Google. Il espère en effet conserver un argument marketing particulièrement efficace, notamment chez les moins de 30 ans pour les convaincre d’acheter ou de conserver leur iPhone.

Google allié aux opérateurs – Le camp d’en face est mené par Google. Voilà des années que le moteur de recherche milite pour que son grand rival adopte le protocole non propriétaire RCS, qu’il a déployé avec l’appui des opérateurs pour remplacer les SMS. Cela permettrait aux utilisateurs de smartphones Android de bénéficier des mêmes fonctionnalités que les possesseurs d’iPhone lorsqu’ils discutent avec eux. Dans son combat à Bruxelles, le groupe américain est épaulé par quatre géants européens des télécoms: le français Orange, le britannique Vodafone, l’allemand Deutsche Telekom et l’espagnol Telefonica. Dans un courrier commun envoyé la semaine dernière à la Commission, ils affirment qu’il ne fait “aucun doute” qu’iMessage doit être considéré comme un “service essentiel”. Et donc être réglementé par le DMA.

“Passerelle” – Adopté il y a un an, le DMA doit entrer en vigueur le 6 mars. Il vise les géants du numérique, appelés “gatekeepers”, qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 7,5 milliards d’euros en Europe – ce qui est bien entendu le cas d’Apple. Mais le texte ne s’applique pas à tous leurs services, seulement à ceux qui sont dits “essentiels”, car représentant une “passerelle” entre les entreprises et leurs clients. Les services qui comptent au moins 45 millions d’utilisateurs sur le continent ou 10.000 clients professionnels sont présumés remplir ce critère. Si le groupe reconnaît qu’iMessage dépasse ces barrières, il conteste en revanche son rôle de “passerelle”, compte tenu de sa taille en Europe. En septembre, Bruxelles a lancé une enquête pour étudier la question. Son verdict est attendu en février.

“Verrouiller les utilisateurs” – Lancée en 2011, iMessage est plébiscité par certains utilisateurs, en particulier aux États-Unis. Dès le départ, la société de Cupertino a décidé de ne pas rendre son service compatible avec les messages envoyés depuis des smartphones Android. Cela se traduit par de nombreuses fonctionnalités manquantes dans les discussions pour ceux qui n’utilisent pas un iPhone. Par exemple, les conversations ne sont pas chiffrées et les vidéos affichent une très mauvaise qualité. Cette différence est accentuée par la couleur des bulles dans laquelle apparaissent les messages: bleu pour ceux envoyés depuis un iPhone, vert pour les autres. Malgré les critiques, le groupe n’a pas l’intention de changer. Et pour cause; “iMessage permet de verrouiller les utilisateurs”, reconnaissait un ancien dirigeant.

Pour aller plus loin:
– Six géants technologiques ciblés par le Digital Markets Act européen
– Bruxelles se prépare déjà à une bataille judiciaire contre Apple et Google


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