Par , publié le 10 janvier 2024

Au printemps 2018, neuf mois seulement après son lancement, Bird avait franchi la barre symbolique du milliard de dollars de valorisation. Un record de rapidité. Moins de six ans plus tard, pourtant, le pionnier américain de la location de trottinettes électriques en libre-service va être vendu d’ici avril au plus offrant, au mieux pour quelques dizaines de millions. Ces derniers mois, la chute de la société était devenue inéluctable tant sa trésorerie avait chuté à un niveau alarmant. Fin décembre, elle a dû se placer sous la protection de la loi américaine sur les faillites, déclenchant un processus d’enchères sur ce qui reste de ses actifs. Au total, elle aura dilapidé près d’un milliard de dollars, accumulant de très lourdes pertes sans jamais se rapprocher d’un modèle économique pouvant lui laisser entrevoir la rentabilité.

Free floating – L’histoire de Bird, c’est aussi celle du marché des trottinettes électriques. De leur spectaculaire envol à leur brutal déclin. Créée en 2017 par Travis VanderZanden, un ancien haut dirigeant d’Uber, la start-up a lancé sur les marchés occidentaux la mode du free floating (sans bornes), reprenant un concept qui cartonnait alors en Chine avec les vélos. L’intérêt pour ces engins est immédiat. Et les investisseurs affluent, pariant sur l’essor des micromobilités dans les centres-villes. En trois ans, Bird lève plus de 600 millions de dollars pour déployer sa flotte dans 400 villes et campus aux États-Unis et en Europe. Fin 2021, après avoir survécu aux confinements liés à l’épidémie de coronavirus, elle profite de la folie autour des SPAC pour entrer en Bourse, récoltant à cette occasion 250 millions supplémentaires.

Modèle économique – Bird est alors à son apogée. En apparence seulement. En réalité, la situation financière est déjà préoccupante. Dès le départ, la société s’est engagée dans une course effrénée à la taille sur un marché vite devenu très concurrentiel, en raison de faibles barrières technologiques à l’entrée. L’objectif est alors de grossir le plus rapidement possible, pour prendre les autres plateformes de vitesse. Mais aussi pour continuer à attirer des investisseurs en leur présentant de forts taux de croissance. Bird a ainsi englouti des centaines de millions de dollars, sans jamais se soucier de pérenniser un modèle économique bancal: ses trottinettes trop fragiles ne peuvent pas rester suffisamment longtemps dans les rues pour être amorties. Sans compter les coûts liés à la maintenance et à la recharge des batteries.

Dernier pari – La fin de l’argent facile va ensuite représenter un électrochoc, symbolisé par le départ de son fondateur et patron. Fini la course à la croissance, Bird cherche désormais à limiter ses dépenses. Au printemps 2022, elle licencie un quart de ses employés. Puis cesse ses opérations sur les marches les plus déficitaires. Elle abandonne aussi son projet de vendre des vélos et trottinettes au grand public. Fin 2022, la société reconnaît qu’elle aura besoin de financements supplémentaires pour survivre. Mais les investisseurs ne se bousculent plus, malgré une amélioration des comptes – qui restent cependant dans le rouge. En septembre dernier, Bird tente un dernier pari, rachetant Spin, sa principale rivale américaine. Ses dirigeants espèrent réaliser des millions de dollars de synergies. Trop peu, trop tard.

Pour aller plus loin:
– Spin, symbole de l’histoire mouvementée des trottinettes électriques
– Les plateformes de location de trottinettes interdites à Paris


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