Par , publié le 18 janvier 2024

Sur le marché du cloud, les frais de sortie, ou frais de transfert de données, sont au cœur des critiques, accusés de verrouiller le secteur au profit des gros acteurs américains. La semaine dernière, Google Cloud est devenu le premier géant du cloud à les supprimer, partiellement, pour ses clients, leur permettant donc de migrer gratuitement vers des plateformes rivales. Cette annonce intervient alors que plusieurs régulateurs se penchent sur cette pratique, qui pourrait être jugée anticoncurrentielle. Elle vise surtout à mettre la pression sur la concurrence, à commencer par Microsoft, contre lequel le moteur de recherche multiplie les démarches. L’an passé, il s’est notamment plaint auprès de la Commission européenne et de la Federal Trade Commission, le gendarme antitrust américain.

“Déconnecté des coûts” – L’été dernier, l’Autorité de la concurrence française avait identifié les frais de sortie comme l’un des risques concurrentiels sur le marché, car ils se traduisent par des factures élevées qui peuvent décourager les entreprises à changer d’offre. Elle avait notamment souligné que leur montant était “déconnecté des coûts directement supportés par les fournisseurs”. Un avis partagé par l’Ofcom, le régulateur britannique des télécoms. Dans un rapport publié en 2023, celui-ci visait particulièrement Amazon Web Services et Microsoft Azure, les deux leaders du marché, les accusant de facturer des frais de sorties cinq à dix fois supérieurs aux autres. Depuis, la Competition & Markets Administration, l’autorité britannique de la concurrence, a ouvert une enquête préliminaire contre les deux géants américains.

Attirer l’attention – La décision de Google peut paraître paradoxale: en supprimant les frais de sortie, le groupe pourrait en effet favoriser le départ de clients vers ses rivaux, qui maintiennent, eux, ces frais. Elle s’inscrit en réalité dans une stratégie de communication pour attirer l’attention sur “le problème fondamental qui empêche de nombreux clients de travailler avec le fournisseur de leur choix dès le départ”, indique Amit Zavery, manager général de Google Cloud. Le responsable dénonce “les pratiques de licences restrictives et injustes” mises en place par “certains fournisseurs historiques qui exploitent le monopole de leurs logiciels sur site”. Dans son message, il ne cite aucun nom. Mais le moteur de recherche visait spécifiquement Microsoft dans un courrier adressé à la FTC.

Vente liée – Google accusait notamment son rival de se livrer à la vente liée, profitant de la position dominante de sa suite bureautique Office et de son système d’exploitation pour serveur Windows Server pour “enfermer” ses clients. Selon Amit Zavery, le géant de Redmond facture “cinq fois plus si ses clients choisissent d’utiliser certains clouds concurrents”, les poussant donc à opter pour Azure. La société dénonce aussi des restrictions techniques qui “limitent l’interopérabilité de logiciels indispensables avec l’infrastructure cloud des concurrents”. Ces deux pratiques sont également contestées par plusieurs acteurs européens, dont OVH. L’an passé, un accord à l’amiable semblait proche, mais celui-ci ne s’est jamais concrétisé. De quoi ouvrir la voie à une possible procédure antitrust de Bruxelles.

Pour aller plus loin:
– Alertée par OVH, l’Europe enquête sur Microsoft Azure
– Onze ans après, le cloud de Google est enfin rentable


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