Par , publié le 21 février 2024

350 millions d’euros, soit autant que la version allongée d’un Airbus A350. C’est le prix de la nouvelle machine d’ASML, la première à intégrer une nouvelle technique de lithographie devant permettre de graver plus efficacement les puces les plus avancées, dont celles destinées à l’entraînement des derniers modèles d’intelligence artificielle générative. Un mastodonte de 150 tonnes, expédié dans 13 conteneurs. Puis assemblé par 250 ingénieurs pendant au moins six mois. Le premier modèle a été livré début janvier, dans une usine américaine d’Intel, mais son entrée en service n’est pas prévue avant 2025. Le groupe néerlandais, leader incontesté du secteur, se montre très confiant. Il assure que tous les grands producteurs mondiaux ont déjà passé commande. Et vise 20 machines livrées par an d’ici à 2028.

Ultraviolet extrême – Fondé en 1984 à Veldhoven, dans la banlieue d’Eindhoven, ASML contrôle aujourd’hui plus de 60% du marché, devançant très nettement ses rivaux japonais Nikon et Canon. Surtout, la société possède une position de monopole pour les puces les plus avancées, qui s’explique par un pari audacieux réalisé il y a une vingtaine d’années. À l’époque, elle mise sur une nouvelle technique, la lithographie par rayonnement ultraviolet extrême (EUV en anglais). Le procédé est complexe. Et les déconvenues sont multiples. Les premières machines n’entrent en service qu’en 2018. Depuis, TSMC, Intel ou encore Samsung les ont adoptées. En cinq ans, le chiffre d’affaires d’ASML a plus que doublé, atteignant 27,6 milliards d’euros en 2023. En Bourse, elle est désormais la troisième capitalisation européenne.

Gravure en 1 nm – Ces dernières années, le groupe a profité de la crise sur le marché des semi-conducteurs, qui a poussé les fondeurs à lancer, avec le soutien des États, de vastes plans d’expansion de leurs capacités de production. Il espère désormais surfer sur l’essor de l’IA générative, qui requiert une importante puissance de calcul. Sa nouvelle machine doit permettre d’accroître la performance des puces en divisant par près de deux la taille des transistors, et donc en augmentant leur densité. Elle est destinée aux gravures les plus fines, à partir de 3 nm. Et potentiellement jusqu’à seulement 1 nm. Certes, ces finesses de gravure sont possibles avec les machines actuelles, mais seulement par l’intermédiaire d’un processus de production complexe qui augmente les coûts et les risques de défaut, assure ASML.

Pas avant 2030 ? – Entre dix et vingt machines ont déjà été commandées, explique le groupe, qui prédit un bond des ventes à partir de 2026, avec le lancement d’une deuxième version. Les analystes se montrent plus réservés. La nouvelle technique de lithographie EUV d’ASML va “présenter de nombreux nouveaux défis technologiques qui doivent être résolus et industrialisés, souligne Jeff Koch, analyste au sein du cabinet SemiAnalysis. Mais le défi le plus difficile est économique”. Selon ses estimations, la machine affichera en effet des coûts de production plus élevés que les machines actuelles. Sans compter un prix d’achat deux fois plus élevé. Elle ne deviendra plus rentable que pour graver des puces en 1 nm, probablement d’ici à 2030 ou 2031. C’est d’ailleurs à cette échéance que TSMC devrait commencer à la déployer.

Pour aller plus loin:
– L’Europe va investir 43 milliards d’euros dans les puces
– Pourquoi Samsung ne parvient toujours pas à rivaliser avec TSMC


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