Par , publié le 21 mars 2024

Il n’aura fallu que deux mois pour voir disparaître, au moins partiellement, la pratique la plus contestée sur le marché du cloud d’infrastructure. La semaine dernière, Microsoft Azure a supprimé, sous certaines conditions, les frais de sortie, ou frais de transfert, facturés lorsqu’un client souhaite migrer ses données vers une autre plateforme ou vers ses propres serveurs. Début mars, Amazon Web Services, le leader du secteur, avait fait de même. Et Google Cloud avait ouvert la voie en janvier, souhaitant mettre la pression sur ses deux principaux rivaux. Dénoncée depuis des années, cette pratique se retrouve depuis quelques mois dans le viseur des autorités de la concurrence. Elle pourrait en effet constituer un abus de position dominante. En Europe, une nouvelle réglementation va drastiquement l’encadrer.

“Déconnecté des coûts” – L’été dernier, l’Autorité de la concurrence française avait identifié les frais de sortie comme l’un des risques concurrentiels sur le marché du cloud, car ils se traduisent par des factures élevées qui peuvent décourager les entreprises à changer d’offre. Elle avait notamment souligné que leur montant était “déconnecté des coûts directement supportés par les fournisseurs”. Un avis également partagé par l’Ofcom, le régulateur britannique des télécoms. Dans un rapport publié l’an passé, celui-ci visait particulièrement AWS et Azure, les accusant de facturer des frais de sorties cinq à dix fois supérieurs à leurs compétiteurs. Depuis, la Competition & Markets Administration, le gendarme britannique de la concurrence, a ouvert une enquête préliminaire contre les deux géants américains.

Résiliation du contrat – Les changements annoncés par les trois sociétés ne sont que partiels. Pour ne pas payer de frais de sortie, leurs clients doivent en effet transférer l’intégralité de leurs données. Microsoft et Google leur imposent même de résilier leur contrat. Les transferts de données dans le cadre d’une stratégie de cloud multiple ou hybride ne sont pas concernés. Ces dispositions suivent les règles imposées par le Data Act européen, entré en vigueur en janvier. D’ici à 2027, les plateformes de cloud ne pourront plus facturer des frais si un client souhaite changer de fournisseur. Mais elles pourront toujours faire payer les transferts réguliers, à condition toutefois que leurs tarifs servent uniquement à répercuter leurs coûts. Le texte va aussi leur imposer de supprimer tous les “obstacles techniques” au transfert de données.

Vente liée – Les frais de sortie ne sont qu’un des éléments qui limitent la compétition. L’an passé, l’Autorité de la concurrence mettait en avant les crédits cloud, notamment accordés aux start-up, qui avantagent les plus gros acteurs. Sans le nommer directement, le gendarme antitrust alertait aussi sur la double casquette de Microsoft, également “fournisseur historique de services informatiques”. Google est plus direct. Il accuse son rival de se livrer à la vente liée, profitant de la position dominante de sa suite bureautique Office et de son système d’exploitation pour serveur Windows Server afin d’“enfermer” ses clients sur Azure. La société dénonce également des restrictions techniques qui “limitent l’interopérabilité de logiciels indispensables avec les cloud concurrents”. Deux pratiques examinées par Bruxelles.

Pour aller plus loin:
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– La start-up suédoise Evroc se rêve en géant européen du cloud


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