Par , publié le 11 juin 2023

“Extrêmement ambitieux” voire un “peu fou”, Mattias Astrom, respectivement interrogé par Reuters et Sifted, reste lucide devant le colossal projet dans lequel il vient de se lancer. Et pour cause, l’entrepreneur suédois se rêve en véritable rival des géants américains sur le marché du cloud d’infrastructures en Europe. La semaine dernière, sa nouvelle start-up, baptisée Evroc, a officialisé une levée de fonds en amorçage de 13 millions d’euros. Une simple première étape, avant de viser beaucoup plus haut. Au cours des deux prochaines années, Mattias Astrom ambitionne en effet de récolter pas moins de trois milliards d’euros. Cette somme doit lui permettre de construire ses deux premiers data centers “hyperscale” sur le continent, comprenant chacun plus de 100.000 serveurs.

Domination américaine – Le défi semble immense, tant Amazon Web Services, Microsoft et Google dominent le secteur en Europe. Selon les estimations du cabinet Synergy, ils cumulent une part de marché proche des 75%. Celle des acteurs européens, comme le français OVHcloud ou l’allemand T Systems, filiale de l’opérateur Deutsche Telekom, a été divisée par deux en cinq ans, tombant à seulement 13%. Ces groupes ont été pénalisés par une force de frappe financière insuffisante pour suivre le rythme des géants américains, qui ont investi des dizaines de milliards de dollars pour accroître leur implantation géographique. Mais aussi, selon Mattias Astrom, par un manque d’ambition, hérité d’une culture plus traditionnelle qui ne repose pas sur le capital-risque.

Échelle – Pour réussir là où les autres ont échoué, l’entrepreneur voit grand d’entrée de jeu. Il veut bâtir “le premier cloud véritablement hyperscale en Europe”, pensé dès le départ pour atteindre une échelle lui permettant de rivaliser avec les leaders américains en Europe. Evroc prévoit de lancer un premier programme pilote l’an prochain dans la région de Stockholm. Puis, de construire ses deux premiers data centers en 2025, l’un au nord du continent, l’autre au sud. D’ici à 2028, la start-up espère ouvrir huit centres de données et trois centres de recherche et de développement dans l’Union européenne. Mattias Astrom souhaite aussi recruter 3.000 personnes. “Nous allons avoir besoin de lever continuellement des fonds au cours des cinq prochaines années”, explique-t-il.

Subventions – Si le marché est déjà mature, un segment reste encore peu exploité en Europe: celui du cloud souverain, permettant notamment de rester à l’abri du Cloud Act américain, une législation qui autorise Washington à réclamer des données hébergées chez les groupes américains. Evroc vise ainsi toutes les administrations et les entreprises, en particulier dans la finance, la santé ou la défense, qui n’ont pas encore migré vers le cloud, faute d’offre souveraine répondant véritablement à leurs besoins. La start-up compte également sur ce positionnement pour récupérer des subventions publiques, qui doivent compléter ses futures levées de fonds. Une fois lancée, son offre devrait se retrouver en concurrence avec les plateformes dites de “cloud de confiance”,  bâties autour des géants américains.

Pour aller plus loin:
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