Par , publié le 18 avril 2024

Ottawa n’a pas cédé aux pressions de Washington. Mardi, le gouvernement canadien a confirmé la mise en place d’une taxe sur les services numériques, faute d’avancée dans les négociations sur la mise en place d’un nouveau régime international d’imposition. Cette taxe Gafa est similaire à celles imposées par plusieurs pays européens, dont la France. Objectif: lutter contre les pratiques fiscales des grandes sociétés technologiques, qui transfèrent leurs profits vers des pays à faible imposition. Sur le papier, le bilan est positif: environ 700 millions d’euros de recettes l’an passé en France et 5,9 milliards de dollars canadiens (4 milliards d’euros) anticipés en cinq ans au Canada. Ces sommes cachent cependant une réalité. Ces taxes n’impactent pas directement les géants numériques qu’elle vise… mais leurs clients.

Accord international – La volonté d’instaurer un tel impôt au Canada n’est pas nouvelle. Les discussions ont commencé en 2020, avant d’être interrompues par un moratoire décidé l’année suivante par l’Organisation de coopération et de développement économiques. D’une durée de deux ans, celui-ci devait permettre aux pays membres de trouver un accord définitif sur de nouvelles règles. Un consensus semblait avoir émergé, prévoyant notamment de taxer les multinationales là où elles réalisent leurs ventes – et non plus là où elles rapatrient leurs bénéfices. Un système qui permettrait de générer entre 17 et 32 milliards de recettes fiscales supplémentaires par an. Depuis pourtant, les négociations patinent. L’an passé, l’OCDE a donc proposé de prolonger le moratoire d’un an. Une option rejetée par le gouvernement canadien.

3% du chiffre d’affaires – Pour Ottawa, plus question d’attendre, alors qu’une demi-douzaine de pays collectent déjà cette taxe. D’autant plus que l’entrée en vigueur d’un potentiel accord sera dépendante de son adoption, encore incertaine, par le Congrès américain. Comme en France, le Canada prévoit de prélever 3% du chiffre d’affaires réalisé par les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, les marketplaces et les boutiques d’applications. Seules les entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 20 millions de dollars canadiens au Canada, sont concernées. S’ils ne sont pas directement visés, les grands groupes américains seront les plus gros payeurs. Au Royaume-Uni, 90% des recettes proviennent ainsi de cinq entreprises, dont font probablement partie Apple, Google, Amazon et Facebook.

Coût répercuté – Les taxes Gafa présentent deux limites majeures. D’abord, une double imposition des sociétés locales, qui paient déjà des impôts sur les bénéfices dans leur pays. Ensuite, certains groupes les ont répercutées sur leur prix. Apple a augmenté les commissions de son App Store. Google a revu à la hausse ses tarifs publicitaires. Et Amazon a relevé les frais facturés aux vendeurs tiers. Autrement dit, la taxe Gafa n’a pas réduit leurs profits. En revanche, elle a abaissé les marges de leurs clients ou augmenté le prix payé par les consommateurs. En cas d’accord au sein de l’OCDE, les pays ayant instauré une taxe se sont engagés à la supprimer. Et à accorder un crédit d’impôt pour rembourser d’éventuels trop-perçus. Mais rien n’obligera les entreprises à ramener leurs prix et commissions au niveau antérieur.

Pour aller plus loin:
– En Europe, la taxe Gafa rapporte gros mais n’impacte pas… les Gafa
– Bruxelles enterre son projet de la taxe sur les géants d’Internet


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