Par , publié le 2 mai 2024

C’est une partie de poker menteur que vient de lancer ByteDance. La semaine dernière, le groupe chinois a assuré qu’il n’avait aucune intention de revendre TikTok, malgré le vote d’une loi aux États-Unis lui imposant de sortir du capital de l’application de vidéos. “Les informations de la presse étrangère sont fausses”, assure-t-il, faisant référence à un article de The Information qui explique que des scénarios de cession sans l’algorithme de recommandations sont à l’étude. Autrement dit: ByteDance préférerait fermer son service vedette sur le sol américain, plutôt que de se conformer aux injonctions de Washington. Difficile de savoir s’il s’agit d’une vraie menace ou d’un coup de pression sur les élus américains, qui pourraient être tenus responsables par une partie des électeurs d’un potentiel arrêt de TikTok.

Premier amendement – Pour la société, il ne s’agit cependant que d’un scénario de derniers recours. Elle va d’abord contester la loi devant la justice, sur la base du premier amendement de la constitution américaine, qui protège la liberté d’expression. Les experts judiciaires sont partagés sur ses chances de réussite, car Washington va mettre en avant un élément tout aussi important: la défense de la sécurité nationale. L’issue de cette procédure dépendra de la capacité de l’administration à démontrer que TikTok représente effectivement un risque, notamment de manipulation de l’opinion publique. Et aussi à prouver qu’il n’existe pas de solution moins radicale. Sur ce point, TikTok mettra en avant son projet Texas, qui vise à stocker les données des utilisateurs américains aux États-Unis sur des serveurs d’Oracle.

Trois options – Si la justice suit Washington, ByteDance aura alors trois possibilités. D’abord, céder l’intégralité de TikTok, comme il prévoyait de le faire en 2020, pour des raisons techniques et financières – deux versions séparées ont moins de valeur qu’une seule. Ensuite, ne vendre que les activités américaines, très probablement sans l’algorithme de recommandations, soumis à une restriction d’exportation par Pékin. Enfin, fermer son service aux États-Unis, qui ne représentent que 13% de son chiffre d’affaires. En 2023, les recettes générées dans le pays se sont élevées à 16 milliards de dollars, selon le Financial Times, sur un total de 120 milliards. Cette option lui permettrait de conserver ses activités en Europe, en Asie du Sud-Est ou encore en Amérique du Sud, où il compte des centaines de millions d’utilisateurs.

Scénario du pire – Malgré tout, refuser de céder les activités américaines reviendrait à faire une croix sur un chèque de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Et aussi à amputer grandement la valorisation de l’entreprise, alors que se profile toujours une prochaine introduction en Bourse. Mais ByteDance n’aura peut-être pas le choix, car il est possible que Pékin s’oppose à une telle opération pour des raisons géopolitiques, sans se soucier de l’impact sur les investisseurs du groupe, qui sont majoritairement des fonds… américains. Pour éviter d’en arriver là, les responsables de la société agitent donc le scénario du pire pour les 170 millions d’adeptes de TikTok aux États-Unis. Ils espèrent ainsi faire pression sur les parlementaires, qui assurent ne pas vouloir la fermeture de l’application, à six mois des prochaines elections.

Pour aller plus loin:
– TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Comment un milliardaire américain a sauvé TikTok


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité