C’est une première qui tombe au plus mauvais moment pour Samsung. Début juin, une partie de ses employés, principalement dans ses usines de semi-conducteurs, se sont mis en grève, ce qui n’était jamais arrivé depuis sa création en 1938. Un mouvement social très limité, placé un vendredi de pont, entre un jour férié et le week-end. Mais qui témoigne d’un climat social tendu, alors que le géant sud-coréen a enregistré l’an passé ses pires résultats financiers en quinze ans. Et qu’il peine encore à tirer profit de l’essor de l’intelligence artificielle générative. Fin avril, il avait ainsi rétabli la semaine à six jours pour ses équipes dirigeantes afin “d’injecter un sentiment de crise”. Sur le papier pourtant, Samsung dispose de deux arguments de taille dans l’IA: ses puces mémoires et son activité de fonderie.
Mémoires HBM – Surtout connu pour ses appareils grand public, Samsung est aussi un géant des semi-conducteurs. Le conglomérat est leader sur le marché des puces mémoire DRAM, pour les serveurs et les ordinateurs, et NAND, pour les smartphones. Comme les autres, il a été rattrapé par une importante crise de surproduction, qui a fait plonger les prix. Et qui a précipité sa division dans le rouge. Si le marché commence à repartir de l’avant, Samsung est, en revanche, en train de rater le train de l’IA. Pour entraîner leurs derniers modèles, les spécialistes du secteur utilisent en effet des cartes graphiques (GPU) couplées à des puces mémoire à large bande passante (HBM), qui permettent de gagner de l’espace et de réduire la consommation d’énergie. Mais Samsung peine à maîtriser les deux dernières générations de cette technologie.
Pas chez Nvidia – Selon l’agence Reuters, le groupe aurait ainsi raté les tests de certification de Nvidia, qui capte quasiment l’intégralité du marché des GPU dédiés à l’IA. Ses puces HBM3 et HBM3e présenteraient des problèmes de chaleur et de consommation d’énergie. “Il y a encore du travail d’ingénierie”, a depuis confirmé Jensen Huang, le patron de Nvidia. En attendant, le fabricant se fournit chez SK hynix, le grand rival de Samsung, lui aussi sud-coréen, dont le carnet de commandes affiche déjà presque complet pour 2025. Selon le cabinet TrendForce, les ventes de mémoires HBM vont quadrupler cette année, pour atteindre 16,9 milliards de dollars. Les dirigeants de Samsung continuent de se montrer rassurants. Et espèrent même prendre SK hynix de vitesse. Fin mai, un nouveau responsable a été nommé pour y parvenir.
Pari technologique – L’essor de l’IA générative met également en lumière son retard technologique dans la gravure. En plus des puces mémoires, le groupe possède aussi une activité de fonderie (fabrication de puces conçues par d’autres), mais il reste encore très loin de TSMC, le premier fondeur mondial qui produit l’essentiel des puces avancées. Les derniers GPU dédiés à l’IA, dont ceux de Nvidia, sont ainsi fabriqués par son rival taïwanais. Conséquence: ses parts de marché ont fortement chuté depuis un an et demi, passant de 16% à seulement 11%, selon TrendForce. Celles de TSMC ont, elles, franchi la barre des 60%. Samsung souffre de son choix d’adopter une nouvelle technique de gravure, qui affiche encore des taux de rendement trop faibles. Mais ses dirigeants continuent de croire que ce pari technologique va finir par payer.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi Samsung ne parvient toujours pas à rivaliser avec TSMC
– Nvidia et AMD accélèrent les cadences pour gagner la bataille de l’IA