Le scénario tant redouté – une arrivée de l’extrême droite au pouvoir – ne s’est pas matérialisé. Mais la French Tech reste sous tension, entre les incertitudes politiques et le ralentissement prolongé des levées de fonds. “Le contexte économique maussade n’épargne pas les start-up”, reconnaît Maya Noël, la directrice de France Digitale. Le lobby des start-up et des fonds d’investissement tricolores ne veut pour autant pas céder au catastrophisme. Dans son baromètre annuel, publié la semaine dernière en partenariat avec EY, il note ainsi des signaux positifs, comme la hausse du chiffre d’affaires et la création de 200.000 emplois directs et indirects en un an au sein de l’écosystème. “Nous sommes arrivés à un plateau, qui est très haut. Maintenant, il faut de nouveau décoller”, poursuit la responsable.
Attentisme – Après une forte chute l’an passé, la reprise des levées de fonds se fait toujours attendre. Au premier semestre, les start-up françaises ont recueilli 4,3 milliards d’euros, autant qu’en 2023, mais deux fois moins qu’en 2022. Derrière quelques opérations majeures, cette stabilité cache un constat inquiétant: la chute des levées intermédiaires de sociétés qui ont été surévaluées pendant la période d’euphorie post-Covid, parfois sans chemin clair vers la rentabilité, et qui ne peuvent pas lever de l’argent. Ou qui ne veulent pas car la valorisation proposée est trop éloignée de la précédente. En outre, le dry powder, les liquidités que les fonds doivent encore investir, se réduit. “Leur priorité est de lever de nouvelles liquidités. En attendant, ils sont plus attentistes”, souligne Franck Sebag, associé chez EY.
“Balle perdue” – Le climat d’incertitude politique ne devrait pas les inciter à passer à l’action. Les investisseurs et les entrepreneurs redoutent un effet un climat moins favorable que sous les gouvernements précédents. D’autant plus que la période est davantage à la baisse des dépenses publiques. Des doutes subsistent sur la poursuite des programmes de soutien. Ou encore sur la stratégie de Bpifrance, particulièrement active pour investir dans les start-up. Maya Noel craint surtout une “balle perdue”: des changements qui ne viseraient pas principalement les start-up mais qui pourraient leur être fatals. Elle cite notamment le crédit d’impôt recherche, qui soutient la R&D mais qui profite aussi aux grands groupes américains. Autre inquiétude: les modalités de déploiement des fonds mobilisés dans le cadre du plan France 2030.
Freins – En attendant des jours meilleurs, la French Tech a dû changer de logiciel, délaissant l’hypercroissance pour privilégier la rentabilité. Au-delà de cette situation, a priori conjoncturelle, plusieurs freins demeurent pour passer un palier. D’abord, la commande fléchée vers les start-up, aussi bien par les entreprises que par les administrations. “Signer un contrat reste souvent un véritable parcours du combattant”, regrette Maya Noël. Ensuite, le manque d’exits, qui pérennisent un écosystème sur le long terme. La French Tech compte peu d’introductions en Bourse. Et le bilan des peu d’opérations menées n’est pas très positif. Les candidats ne se bousculent pas. Pour les start-up plus petites, la sortie pourrait passer par une consolidation du marché, espère Maya Noel. Un mouvement qui s’enclenche très lentement.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi les élections législatives inquiètent la French Tech
– La French Tech n’échappe plus à la vague de licenciements