Par , publié le 11 décembre 2022

L’opération est la plus importante jamais réalisée sur le secteur de la livraison ultrarapide de courses. Et le symbole de la zone de turbulences qui secoue l’ensemble des acteurs. Vendredi, la start-up turque Getir a officialisé le rachat de Gorillas, pour un montant théorique de 1,2 milliard de dollars – dont seulement 40 millions en cash. C’est nettement moins que sa dernière valorisation de 3 milliards. Poids lourd du marché en Europe, la plateforme allemande accumulait les pertes. Et sa trésorerie avait rapidement fondu, faute de nouveaux investisseurs. Grâce à cette acquisition, Getir va renforcer ses positions sur les grands marchés européens. Tout en limitant la concurrence, qui plombe pour le moment sa capacité à dégager des profits.

Consolidation – Comme ses rivales, Gorillas a profité de la crise sanitaire pour attirer les investisseurs, convaincus de la pertinence du modèle de livraison depuis de petits entrepôts urbains. Le potentiel leur semblait immense: l’alimentaire est un marché gigantesque, sur lequel la part des ventes en ligne reste très faible. De quoi justifier des investissements massifs pour se lancer au plus vite dans de nombreuses villes. L’argent facile et les faibles barrières à l’entrée ont attiré une multitude d’acteurs. Une situation intenable, qui a débouché sur une vague de consolidation. En Europe, le marché se structure désormais autour de trois acteurs: Getir et ses rivales américaine GoPuff et allemande Flink. Ces services restent en concurrence avec Uber et Deliveroo, qui se sont associés à de grands distributeurs.

Lourdes pertes – Malgré une levée de fonds d’un milliard de dollars il y a un an, Gorillas faisait partie des acteurs fragiles. Car ses pertes étaient abyssales. Pour gagner des parts de marché, la société a dépensé sans compter en marketing: en moyenne 8 euros par commande, selon les chiffres obtenus par le Financial Times. Elle a aussi multiplié les promotions. Chaque euro de chiffre d’affaires se traduisait ainsi par une perte de 1,50 euro. En mai, sa trésorerie avait fondu à 300 millions de dollars, assez pour tenir quelques mois seulement. La start-up change alors de stratégie, assurant viser la rentabilité et non plus la croissance. Elle supprime aussi 300 emplois. Mais elle ne parvient pas à trouver de nouveaux investisseurs, l’obligeant donc à chercher un repreneur.

Modèle économique – Après avoir englouti des milliards de dollars dans une course effrénée à la croissance, le secteur est en effet rattrapé par la frilosité des investisseurs, qui commencent sérieusement à douter de la pertinence du modèle économique. La distribution alimentaire génère en effet des marges très faibles. Certes, ces plateformes ne possèdent pas de magasins. Mais elles doivent rémunérer des livreurs, qu’elles ont majoritairement choisi, pour des raisons d’image notamment, de salarier. Dans le même temps, le panier moyen n’est pas assez élevé pour absorber les coûts de livraison. Et pour ne rien arranger, plusieurs pays remettent en cause l’implantation des entrepôts, menaçant de les exiler en périphérie des villes, ce qui ferait encore augmenter les coûts.

Pour aller plus loin:
– Gorillas licencie la moitié de ses employés
– La France va encadrer l’implantation des dark stores


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